Publié par Noal

Jean et la Chhaupadi

         Jean était en voyage autour du monde depuis deux mois quand il arriva dans un petit village au Népal. Heureux de pouvoir échanger sa culture avec une autre, il avait trouvé une famille fort chaleureuse qui avait accepté de l’accueillir quelques temps. Un matin, alors que la mère et ses deux filles semblaient prêtent à partir, Jean se questionna sur leur départ soudain. Il alla voir le père afin d'en savoir plus. Elles s'en allaient pour sept jours loin de la maison, exilées, comme toutes les autres femmes du village quand elles ont leurs menstruations, afin de pratiquer la Chhaupadi. Jean, persuadé de la domination des hommes sur les femmes, fut très surpris de découvrir que celles-ci quittaient leur mari une semaine tous les mois. Une preuve de leur indépendance ! Étant extrêmement curieux à propos de cette excursion, il demanda l'autorisation de les suivre pendant ces sept jours avant de repartir dans un nouveau pays. Une autorisation très dure à obtenir car durant cette période les femmes n'ont normalement pas le droit d'être à proximité de personnes « pures ». Mais il parvint tout de même à trouver un accord et partit un grand sourire aux lèvres.

 

      Après plusieurs heures de routes, dans des chemins laissés à l'abandon où les plantes lacéraient les mollets de nos voyageurs, ils s'arrêtèrent à un puits, ou du moins ce qu'il en restait. Jean trouva incroyable de les voir remplir leurs gourdes dans une source d'eau privée. Contrairement à ce qu'il pensait, ces femmes sont très privilégiées ! Ils reprirent leur chemin sur ces terres peuplées de petits insectes qui s'accrochent aux jambes, laissant des marques rouges comme du feu, mais petites comme des fourmis. Enfin, ils arrivèrent à destination. Jean n'en pouvait plus d'attendre, il voulait voir à quoi ressemblerait leur maison pour les sept prochains jours.

 

      La maisonnette était en fait un abri croulant, construit avec de la boue et de la paille, possédant seulement quatre murs inégaux et fissurés ; à l'intérieur il y avait autant de lits qu'il y avait de murs, légèrement surélevés pour éviter, un maximum, les insectes et les serpents la nuit. En voyant le vieux tas de terre séchée, Jean fut impressionné par la modestie des femmes qui dormaient là régulièrement sans même rechigner. Le plus grand luxe de cette maison était sûrement les gros chiens noirs vivant aux alentours, les protégeant des attaques des animaux sauvages jour et nuit. L'heure du repas arriva, Nanu, la mère, alla chercher quelques plantes comestibles, non loin, afin de se sustenter, elle, mais aussi ses filles Ansu, Eryrum, et leur invité Jean. L'incroyable métabolisme de ces femmes, capables de se nourrir si peu, et de la nourriture alentour, impressionna notre bon samaritain, forcé lui aussi de tester ce régime local, et bio. Jean demanda pourquoi il y avait quatre lits alors qu'elles n'étaient que trois. Il apprit que la fille aînée Yahnaa avait disparu le mois dernier, alors qu'elle était seule pour sa Chhaupadi. Jean ne doutait pas qu'elle avait sûrement pris goût à cette vie sauvage et ne voulait plus rentrer. Il s'installa donc dans son lit, prêt à y passer sa première nuit.

 

      Le froid était mordant, tous ses membres tremblaient et il voulut allumer un feu. Les femmes l'arrêtèrent avant, car les incendies se propageaient rapidement, et le moindre feu pouvait vite être mortel. Alors qu'il réussissait enfin à s'endormir, Jean fut réveillé par des gémissements qu'il décida d'ignorer, en voyant un homme faire « son affaire » avec une des femmes. Décidément, elles profitent même du fait d'être loin pour tromper leur mari ! Les sept jours passèrent dans la même routine, bien que l'homme ne revint pas. Eyrum, la plus jeune, était tombée un peu malade et vomissait, tandis que Jean pensait avoir un vilain rhume. Il avait hâte de retourner à l'aéroport acheter des médicaments. Il fit ses adieux à la famille, les larmes aux yeux, ravi d'avoir appris de nouvelles traditions, et découvert qu'ici les femmes étaient bien plus modestes, fortes, et indépendantes, que chez lui.

 

Tag(s) : #candide
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