Publié par Alexandre G.
Il demeura un instant immobile. Il ne cria pas. Il tomba doucement comme tombe un arbre. Ça ne fit même pas de bruit, à cause du sable.
Le vieil homme et la mort
Je pensais pourtant avoir bien rempli ma vie...
Aujourd’hui, allongé dans un lit blanc, respirant l’air fourni par une machine, je me sens seul, abandonné. Ma famille n’est pas venue me voir avant que je ne tombe dans ce coma fatidique. Elle m’a ignoré, m’a laissé tomber dans ce funeste sommeil. Je pense qu’ils sont déjà à se battre pour mon héritage. Mes jambes depuis longtemps me font défaut. Mon corps souffre comme si l’on me brisait sous une presse !
Mon torse est comprimé, je peine à respirer, je suffoque, j’étouffe !
Mon enveloppe charnelle me parait à la fois brûlante comme la braise et glacée comme le métal. J’aimerais crier, hurler mais je ne le peux pas. Oh, comble du malheur, comme ma bouche reste muette et close ! Mes sensations sont trompeuses, confuses, c’est un vaste maelström de souffrances, de douleurs et d’obscurité. La nuit me gagne et m’envahit.
Cet immense mur, je m’en rapproche petit à petit à chaque seconde. Mes sens, jouant les Judas, me trompent ou me lâchent, les traîtres !
Cette lente agonie dure pour moi une éternité. Je ne sais depuis combien de temps je suis là, dans ma pose agonique. Un jour ? Deux jours ? Une semaine ? Un mois ? Et combien de temps me reste-t-il ? Très peu, je pense.
Petit à petit, mon corps s’enflamme d’un froid mordant et paralysant. Cette vague lente mais inexorable se répand du bout de mes membres vers mon cerveau. Seul mon esprit demeure, pour le moment ! La solitude me pèse, m’écrase, me plaque, me terrasse ! Je ne peux même plus compter sur mon corps, et à peine sur ma tête. Mon âme, ma fidèle âme, semble m’abandonner. Hélas ! La mort s’approche à grands pas. Je ne peux plus compter sur moi-même.
Je me souviens de ma vie passée avec tristesse. Je ne pourrai jamais voir ma petite-fille. Je ne pourrai jamais revoir ma tendre femme. Je ne pourrai jamais retourner en mer, pêcher avec mon fils. Je ne pourrai plus prendre mon chien sur mes genoux et le caresser doucement. Je ne pourrai plus planter mes pommes de terre dans mon potager. Je ne pourrai plus lire le journal le matin.
Oh ! Cruelle séparation des plaisirs essentiels de la vie. Tout cela va s’arrêter, définitivement, comme un chariot arrivé en bout de course, comme le soleil qui se couche. Je peine à penser, ma tête s’embrouille. Je perds mes sens, et toute ma raison, je la sens... s’éteindre !
Alors que l’Ankou de sa noire faux m’emporte dans les étoiles, où je verrai pour l’éternité ma famille, vivre et grandir, je n’ai qu’un seul regret : ne pas avoir assez profité de la vie !