Publié par Erell et Lilou
Je jette un regard vers Anna, en un regard on s'est compris. Je lui dis qu'on ne peut pas rester ici ou bien nous allons mourir. Anna et moi, Jérémy, sommes installés au dernier rang, une porte à notre gauche. Il s'agit de la seule issue possible. Trente secondes après la sonnerie, nous prenons ce que nous avons de plus précieux, puis nous quittons brusquement la salle, mais en laissant nos camarades.
La porte se referme, personne ne le remarque sauf moi.
- Baissez-vous !
Perdue dans mes pensées, je ne réagis pas. La panique et l'excitation se mélangent dans ma tête, mon cœur s'emballe. Nous pénétrons une autre salle, le temps de nous demander comment quitter le bâtiment. Nous ne sommes pas seuls.
- Baisse-toi Jérémy, sous la table !
Je sursaute et m'exécute. Je m'allonge par terre tout en regardant partout autour de moi. Dans le froid qui s'installe dans la classe, on voit les vrais visages de chacun. Ceux qui rient, ceux qui ont les larmes aux yeux et qui cèdent à la panique, ceux qui prient, ceux qui réagissent et consolent les autres, et puis ceux qui observent.
Nous courons toujours à la recherche d'une éventuelle issue pour nous sortir de là. Nous avançons d’ouest en est dans l'aile C. Anna m'impressionne à m'emmener dans tous les recoins du lycée, tout en nous protégeant. Je me rends compte à quel point elle se dévoue à mon égard. Cinq minutes sont passées depuis notre sortie de la deuxième salle mais j'ai l'impression qu'il s'est passé une heure. Tout est barricadé par des chaises, des tables. J'ai peur.
- Jérémy ! me chuchote Anna.
Elle me montre dans le creux d'une porte un homme habillé en noir, cagoulé et armé. Pris de frayeur, nous reculons sans faire attention à la porte rouge derrière nous. Tout d'un coup, en tombant sur cette porte, toutes les lumières s’éteignent.
- Merde !
La lumière s'est éteinte.
D'un coup, tout le monde se met à bouger, c’est la panique. J'en profite pour me glisser au fond de la classe à droite. J'ai repéré des fenêtres, dont une entrouverte. De là, j'aperçois des ombres habillées en noir tenant des sacs pleins d'armes. Là, je prends conscience des choses. Les battements de mon cœur ne font qu'un tour. Je note tout ce qui se passe pour ne pas oublier.
Des minutes se passent, et se passe une éternité…
D'un coup Booouuuum !!!
- C'était quoi ça ! dis-je, pris de panique.
- On ne peut pas rester dans ce local pendant des heures à attendre ! Je tiens à toi et je ne veux pas finir ma vie ici, me dit Anna.
C'est ma meilleure amie, celle en qui j'ai le plus confiance. Ceci dit, l'idée de sortir et de risquer de nous mettre en danger me hante. Elle est courageuse et essaie de me motiver, mais à ce moment je ne peux pas me concentrer. Elle détermine notre parcours et repère la sortie la plus proche. De là, elle me convainc de sortir et on part de ce local électrique.
Oh ! Nooonn !
Tous menottés par des cordes, les uns aux autres. La tension est palpable. Certains essaient de s'en défaire en tirant sur les cordes mais ils ne comprennent pas que cela est impossible. Les preneurs d'otage, eux, parlent bas, s'agacent, ils ne sont pas d'accord entre eux. Celui en retrait est pour moi le meneur, le chef. Il est plus grand, plus fort et donne les instructions. Il a le regard froid de colère lorsque des élèves parlent, qui se demandent quand est-ce que tout ça va s'arrêter.
Prise de courage, je hausse la voix et demande droit dans les yeux au chef :
« Pourquoi faites-vous tout ça ? »
-Tais-toi et assieds-toi !
Je lui repose la question en ajoutant : « Si tuer est votre seul plaisir, tuez-moi et laissez-les libres ! » Il prend son pistolet et me le colle sur la tempe.
Mes pensées sont :
« Est-ce que je fais bien de me sacrifier ?
Est-ce que mes camarades seront libres une fois que je serai mort ?
Qu'est-ce que la mort en fin de compte ? »
Le gars du dernier rang, toujours dans la lune, qui déborde d'imagination, et qui ne l'a jamais assumé ! Celui qui aura sauvé ses camarades. Oui. Jérémy.
PAAANN !
Il fait encore noir, on n’y voit rien. Des coups de feu claquent et rebondissent entre nos bruits de pas. On est déterminés, mais la peur me gagne de plus en plus. En nous contrôlant, nous courons puis marchons. Sur notre avancée, nous ne croisons personne mais nous voyons au moins cinq ombres et silhouettes noires, cagoulées et armées. Comme tout à l'heure. Au bout de vingt minutes de cauchemar, en ce jeudi trois décembre, nous voyons enfin la sortie du lycée, éblouis par des lumières rouges et bleues. En vingt minutes, nous sommes passé d'un lycée de 600 élèves à une vingtaine de survivants à cause d'un deuxième boum.
Une bombe...