L'âpre réalité

Publié par Yorig et Manu

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         Comme tous les jours depuis six mois, Nasri rentre de l'université où il poursuit des études d'ingénieur. Il retrouve sa cité Saint-Barthélémy dans les Quartiers Nord de Marseille. Cet endroit est devenu sinistre, menaçant et délabré. Il y règne la misère. Cette cité est lugubre.

         Suite à la perte de son modeste emploi d'agent d'entretien très peu payé, le père de Nasri s'est réfugié dans l'alcool. Depuis maintenant deux ans, il martyrise, bat, assène de coups sa femme, sans pouvoir contrôler un seul de ses faits et gestes. Pour préserver sa famille et ses enfants, sa mère, forte et courageuse, garde le silence, comme beaucoup de femmes le font par peur de représailles, malgré ses blessures, ses peurs et ses angoisses. L'état de son père se dégrade de jour en jour et le tue à petit feu, en emportant sa famille avec lui dans sa déchéance, sans que Nasri ne puisse rien y faire.

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         Nasri arrive dans sa rue : il entend le bruit des sirènes assourdissantes passer à toute vitesse dans son quartier. Au loin, il voit les jeunes du quartier, proches de la majorité, scruter les entrées et les sorties telles des antilopes prêtes à fuir à l'arrivée de leurs prédateurs. Au sol, la route est jonchée de carcasses de voitures imprégnées de suie. Les sièges se sont évaporés dans l'air comme des grains de sable. Les rangées d'immeubles sont noirâtres, recouverts de tags et les sols tapissés de mégots dégagent une odeur immonde. Les sacs poubelles déchirés, jetés des balcons, se retrouvent à danser dans toute la rue. A l'entrée de son hall, les vitres sont brisées, des bouts de verres sont étalés partout au sol, de petites gaines de latex transparentes remplies à ras bord dégoulinent dans la cage d'escalier. L'escalier est en lambeaux, les marches sont en piteux état, une sur trois est fissurée. Nasri arrive au cinquième étage devant sa porte. Il ouvre, puis après avoir passé l'encadrement, il revoit toujours les mêmes bouteilles étalées sur le sol, et la douleur qu'elles renferment, les tapisseries à moitié arrachées, le canapé et les lits troués. Cet appartement est tellement sale et en désordre qu'il fait penser à une déchetterie. Nasri aimerait bien, parfois, que la réalité lui montre autre chose que la vérité.

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