Publié par Célian

« On accède au pont de fer très noir par deux escaliers qui se rejoignent. J'emprunte celui de gauche et, à peine au sommet, ma tête cogne contre un bec de gaz. Tout le ciel gris et bleu trempé se remplit instantanément de tours. Elles étincellent. Et plus elles grandiront plus le ciel lui-même augmentera. Sans doute j'aimerais mieux pour toujours cette civilisation de becs de gaz et de passerelles, mais ne basculeront-ils pas déjà dans une minute, puisque je passe, et le monde en extension éternelle continuera. Il n'y avait devant moi que deux petites filles habillées en rouge. Résolument, chacune a pris son escalier sans un regard pour l'autre, ni pour le décor menaçant où chante leur ton : l'entrepôt en surplomb comme un pan de forteresse ; la tranchée derrière un grillage impitoyable de cave qui s'évase par-dessous. En métal et en bois parmi des monceaux de charbon et de ballots de paperasse, d'obscurs résidus ferroviaires y jonchent la suie entre les rails, mais beaucoup de bidons jaunes bleus verts s'entassent, polyphoniques. »

Jacques Réda, Les Ruines de Paris (1977)

L'infini mur brumeux s'étale devant moi © Célian

L'infini mur brumeux s'étale devant moi © Célian

Ennuyé par la douce chaleur de ma demeure, je me décide à aller affronter le temps brumeux et la froideur aux abords du petit lac de mon charmant village. Il est possible d’y accéder par une pente étroite dans laquelle est disposé un ravissant jeune chêne. Au bout de cette descente ardue, l’ambiance est radicalement changée de l’obscur au chaleureux : je suis accueilli par une rivière courant en dessous de moi. Devant moi, le sentier est tout tracé, par de minuscules gravillons de couleur jaunâtre.

Ce jour, il m’est presque impossible de voir très loin puisqu’un épais brouillard forme un mur qui paraît infranchissable autour de moi. Néanmoins, je peux distinguer au-delà de cette barrière les contours des arbres ; on dirait qu’ils se transforment en de colossaux nimbus. Je suis également abasourdi par l’exact reflet de ces nuages dans l’eau de l’étang. J’aimerais pouvoir me précipiter et me jeter dans cette masse aux allures nuageuses, malheureusement ce n’est qu’une illusion créée par moi-même. Je sens alors une immense frustration m’envahir. Je cesse de rêver et continue ma balade jusqu’à croiser une infrastructure installée par la mairie qui semble servir aux jeunes enfants à s’amuser. Je ne peux toujours pas voir à une très grande distance mais je crois apercevoir quelques balançoires. Tel un bambin, que je suis, je m’imagine encore une fois vaciller sur ces jeux, quand tout à coup je suis surpris par un chien s’approchant de moi, il est attaché par une laisse en corde que tient une grande femme. Je crois reconnaître un berger allemand, il me lèche délicatement la joue. Il est vraiment aimable ! dis-je à la maîtresse du canidé, qui me répond par un joli sourire d’amusement. Nous partons ensuite dans des sens opposés et je me retrouve de nouveau seul. Je continue de marcher pendant une vingtaine de minutes, si je me rappelle bien, et devant moi se dressent deux nouvelles routes. À droite ou à gauche ? À gauche ! Je choisis toujours le chemin de gauche. Et à ce moment, l’environnement évolue une nouvelle fois et je me retrouve face à une forêt.

Tag(s) : #jacques réda, #1G7
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