Publié par Violette et Neela

« Par respect, ou par une sorte de sensualité qui lui faisait mettre de la lenteur dans ses investigations, Charles n’avait pas encore ouvert le compartiment secret d’un bureau de palissandre dont Emma se servait habituellement. Un jour, enfin, il s’assit devant, tourna la clef et poussa le ressort. Toutes les lettres de Léon s’y trouvaient. Plus de doute, cette fois ! Il dévora jusqu’à la dernière, fouilla dans tous les coins, tous les meubles, tous les tiroirs, derrière les murs, sanglotant, hurlant, éperdu, fou. Il découvrit une boîte, la défonça d’un coup de pied. Le portrait de Rodolphe lui sauta en plein visage, au milieu des billets doux bouleversés. On s’étonna de son découragement. Il ne sortait plus, ne recevait personne, refusait même d’aller voir ses malades. Alors on prétendit qu’il s’enfermait pour boire. Quelquefois pourtant, un curieux se haussait par-dessus la haie du jardin, et apercevait avec ébahissement cet homme à barbe longue, couvert d’habits sordides, farouche, et qui pleurait tout haut en marchant. Le soir, dans l’été, il prenait avec lui sa petite fille et la conduisait au cimetière. Ils s’en revenaient à la nuit close, quand il n’y avait plus d’éclairé sur la place que la lucarne de Binet. Cependant la volupté de sa douleur était incomplète, car il n’avait autour de lui personne qui la partageât ; et il faisait des visites à la mère Lefrançois afin de pouvoir parler d’elle. Mais l’aubergiste ne l’écoutait que d’une oreille, ayant comme lui des chagrins, car M. Lheureux venait enfin d’établir les Favorites du commerce, et Hivert, qui jouissait d’une grande réputation pour les commissions, exigeait un surcroît d’appointements et menaçait de s’engager « à la concurrence ».

Madame Bovary, Flaubert (1857), Troisième partie, chapitre XI

© V.N.

© V.N.

Ma chère petite femme,

Tu me manques tant, je deviens fou,  

Ton absence subite me détruit un peu plus chaque jour,

Le temps passe si lentement, ce monde est tellement fade sans toi.  

Tous les soirs, je rêve de ton visage et te supplie de ne pas me laisser une seconde fois,

Je sais que tu ne pourras pas me répondre mais je t’écris quand même cette lettre.

J’ai besoin de te dire tout ce que je ressens, tout ce qui se passe depuis ta mort, de te poser toutes les questions qui me passent par la tête depuis ton départ, celles pour lesquelles je n’aurai jamais de réponses.

Mais j’espère avant tout, et avant de te dire quoi que ce soit, que tu as été heureuse dans ta vie avec moi,

Et que tu m’as aimé comme je l’ai fait.

J’ai toujours tout fait, et jusqu’au bout, pour t’offrir la vie dont tu rêvais,

Jusqu’à ton tombeau, où j’ai imagé les choses les plus folles pour que tu aies le plus beau des tombeaux, un qui te représentait et qui faisait ressortir la belle personne que tu étais.

Je sais que je n’ai jamais été démonstratif, même si cela est trop tard je le fais maintenant,

Je suis un homme détruit.

Depuis ton départ, j’essaie déjà de me sortir de toutes ces dettes qui ne se termineront sûrement jamais,

Quand je pense en avoir fini d’autres arrivent.

J’ai tout vendu, les meubles, bibelots, tout ce qui pouvait me sortir de ce dans quoi je suis depuis peu,

Depuis que tu n’es plus là plus rien n’est pareil, l’appartement, ma routine, moi…

La seule chose qui n’a pas changé depuis ton départ est ta chambre, je n’ai pas assez de force pour la vider, ni vendre quoi que ce soit, tout me fait penser à toi, et je t’ai déjà perdue donc je veux garder le peu d’objets qui me font penser à toi.

Tous les soirs, je m’y rends après le diner et reste là des heures.

Cela me permet de réfléchir sur beaucoup de choses.

Depuis que tu es partie, il s’est passé beaucoup d’évènements durs pour moi,

J’ai appris et découvert des choses que je n’aurai jamais pensé de toi.

Et je suis passé par tant d’émotions différentes !

J’ai découvert toutes ces lettres dans le grenier,

Une première en boule par terre sur laquelle je suis tombé par hasard, et les autres, celles que tu avais bien cachées, en fouillant après avoir eu le courage de les chercher.

Et j’ai compris…

J’ai compris la raison pour laquelle tu as décidé de partir.

Tu étais une femme qui avait besoin de beaucoup d’amour et d’affection, car c’était ta vision de l’amour,

nous ne nous sommes malheureusement pas compris sur ce point-là.

Tu ne peux pas savoir comme cela m’a détruit de voir toutes ces lettres, ces mots d’amour de ces hommes !

J’ai vu qu’un autre homme pouvait t’aimer, ce qui m’a mis dans un état dans lequel je n’avais jamais été !

J’ai donc commencé à me faire beau pour toi, acheter de nouveaux vêtements, prendre soin de moi, tout en sachant que tu n’étais plus là. C’était fou, oui, je sais, mais j’ai joué à être un autre moi aussi.

Tout ce qui aurait pu te rendre plus amoureuse, ou me rendre plus attirant je l’ai fait, pour te reconquérir ou te montrer que je pouvais aussi plaire. Je ne sais plus. C’était plus fort que moi.

Malgré cela, j’ai toujours cette partie de moi qui t’aime encore, je ne comprends pas,

Pourquoi as-tu fait cela ?

La vie que tu avais ne te convenait pas ?

M’aimais-tu vraiment ?

Etais-tu heureuse avec moi ?

J’ai travaillé dur pour t’offrir la vie dont tu rêvais,

Et si j’avais pu, je t’aurais offert tellement plus !

Je te trouvais tellement jolie,

J’ai toujours eu conscience de la chance que j’avais de t’avoir,

Tu as été la plus belle chose que j’ai eue dans ma vie.

Mais tout cela tu ne l’as visiblement pas vu.

Je suis perdu entre l’amour, la haine et la tristesse,

Tu m’as détruit Emma.

Je suis si déçu que ce soit cette vie-là, remplie de mensonges, qui t’ait rendu heureuse,

Déçu que la vie simple et mon amour ne t’aient pas suffi.

Et tu as été lâche !

Tu t’es amusée et m’as menti tout ce temps.

Et au moment d’être honnête, d’assumer les nombreuses conséquences, tu m’as laissé seul, dans le déni et ma tristesse, tu es partie, en m’enlevant la chose la plus importante à mes yeux. Comment peut-on faire ça à son mari ?

Tu as voulu vivre ta vie d’aristocrate,

Mais tu n’en n’étais pas une Emma !

S’acheter des robes, des colliers, et faire des adultères, ne font pas de toi une aristocrate,

Ce n’est pas l’amour tout cela !

Avec tout ça, je devrais avoir une haine immense contre toi, malgré ça je t’aime, et je n’arrive, malheureusement pas pour moi, à t’oublier.

Car toutes ces années avec toi ont été magnifiques.

Je n’aurais jamais pu faire ce que tu m’as fait,

Malgré tout, tu restes pour moi la plus belle personne,

 

Je t’aime,

Charles

 

Tag(s) : #madame bovary, #S3
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