Publié par Clarisse
Page 142 l.117 : Quant à Emma, elle ne s'interrogea point pour savoir si elle l'aimait. L'amour croyait-elle, devait arriver tout à coup, avec de grands éclats et des fulgurations – ouragan des cieux qui tombe sur la vie, la bouleverse, arrache les volontés comme des feuilles et emporte à l'abîme le cœur entier.
p.144 l.27 : Pendant qu'elle le considérait goûtant ainsi dans son irritation une sorte de volupté dépravée.
p144 l.34: Et son grand œil bleu, levé vers les nuages, parut à Emma plus limpide, et plus beau que ces lacs des montagnes où le ciel se mire.
p.148 l.173 : Ah ! C'est un brave homme, repris Emma.
p.152 l.273 : Des tentations la prenaient de s'enfuir avec Léon, quelque part, bien loin, pour essayer une destinée nouvelle ; mais aussitôt il s'ouvrait dans son âme un gouffre vague, pleins d'obscurité.
p.170 l.32 : Dès lors, ce souvenir de Léon fut comme le centre de son ennui ; il y pétillait plus fort que, dans une steppe de Russie, un feu de voyageurs abandonné sur la neige. Elle se précipitait vers lui, elle se blottissait contre, elle remuait délicatement ce foyer près de s'éteindre, elle allait cherchant tout autour d'elle ce qui pouvait l'aviver davantage ; et les réminiscences les plus lointaines comme les plus immédiates occasions, ce qu'elle éprouvait avec ce qu'elle imaginait, ses envies de volupté qui se dispersaient, ses projets de bonheur qui craquaient au vent comme des branchages morts, sa vertu stérile, ses espérances tombées, la litière domestique, elle ramassait tout, prenait tout, et faisait servir tout à réchauffer sa tristesse.
Madame Bovary, de Gustave Flaubert - Partie II, Chapitres 2 à 7
- Mais qu’est-ce que je pense de Léon, au fond ? Quand je l'ai vu, je n'ai pas eu de doute sur ce que je ressentais, c'était de loin le plus bel homme que j'avais vu et je n'ai pas réfléchi plus de deux secondes avant de savoir qu'il me plaisait. C'est un beau jeune homme, plus grand que moi, ses cheveux sont magnifiquement beaux et soyeux, d'une couleur extraordinaire. Ses yeux sont éblouissants et le bleu de ses yeux est plus limpide et plus beau que ne le sont les lacs des montagnes où le ciel se mire. Son sourire pourrait éclairer le fond de l'océan. Quand il rit, même si je ne sais pas toujours pourquoi, ma seule envie c'est de rire avec lui, car après tout c'est son plaisir qui me fait sourire, et c'est de son bonheur dont je veux me nourrir. Léon est un homme attentionné, doux, et il ne ferait de mal à personne. Il est d'une gentillesse inouïe, idéaliste et très romantique. Les moments passés avec lui semblent éternels et il y a un sentiment de douceur entre nous. Quand il me parle, je l'écoute avec passion et je me noie dans ses paroles.
Après avoir longuement discuté, on s'est découvert de nombreux points communs : on partage les mêmes passions pour la mer et pour la musique. Il est si talentueux, il sait peindre à l'aquarelle, lire la clef de sol et écrire des poèmes. Quand je l'ai revu, il pétillait plus fort que, dans une steppe de Russie, un feu de voyageurs abandonné sur la neige. Je me suis blotti contre lui, j'ai eu soif de ses lèvres. J'ai eu envie de lui dire : « C'est moi, je suis à toi ». Léon réapparaissait plus grand, plus beau, plus suave, plus vague. Des tentations me prenaient de m'enfuir avec lui, quelque part, bien loin, pour essayer une destinée nouvelle. Mais aussitôt, il s'ouvrait dans mon âme un gouffre vague, plein d'obscurité. Quand il fut parti, j'ai regretté de ne pas avoir pu l'aimer plus longtemps.