Publié par Élise
« Elle songeait quelquefois que c’étaient là pourtant les plus beaux jours de sa vie, la lune de miel, comme on disait. » Ligne 1,2 p. 64.
« Si Charles l’avait voulu cependant, s’il s’en fût douté, si son regards une seule fois, fût venu à la rencontre de sa pensée, il lui semblait qu’une abondance subite se serait détachée de son cœur, comme tombe la récolte d’un espalier quand on y porte la main. » Ligne 21 à 24 p. 64, 65.
« La conversation de Charles était plate comme un trottoir de rue, et les idées de tout le monde y défilaient dans leur costume ordinaire, sans exciter d’émotion, de rêve ou de rêverie. » Ligne 27 à 29 p.65.
« Quand elle eut ainsi un peu battu le briquet sur son cœur sans en faire jaillir une étincelle, incapable, du reste, de comprendre ce qu’elle n’éprouvait pas, comme de croire à tout ce qui ne se manifestait point par des formes convenues, elle se persuada sans peine que la passion de Charles n’avait plus rien d’exorbitant. Ses expansions étaient devenues régulières ; il l’embrassait à de certaines heures. C’était une habitude parmi les autres, et comme un dessert prévu d’avance, après la monotonie du dîner. » Ligne 117 à 124 p.68.
« Pourquoi, mon Dieu ! Me suis-je mariée ? Elle se demandait s’il n’y aurait pas eu moyen, par d’autres combinaisons du hasard, de rencontrer un autre homme. » Ligne 145 à 147 p. 69
« Quant au reste du monde, il était perdu, sans place précise, et comme n’existant pas. » Ligne72, 73 page 87.
Madame Bovary, Gustave Flaubert, 1857
Au début de cette nouvelle vie, j’ai essayé de me persuader que c’était le plus beau jour de ma vie. Ce mariage représentait le rêve de toute jeune fille, l’héroïne de roman qui épouse l’homme de sa vie. J’ai essayé de m’en persuader, je l’ai écouté chaque jour, j’ai joué l’épouse parfaite, la compagne aimante. Parfois, j’imaginais ce mariage avec un autre homme, dans un univers imaginaire.
Mais au fur et à mesure du temps qui passe, un détachement intérieur se fait qui me délie de lui. Je n’aime point la conversation de Charles, elle est plate. Ce n’était pas un homme curieux, il ne sait rien faire et ne m’apprend rien. Au contraire, un homme ne devrait-il pas tout savoir ? M’initier et m’enseigner ? M’apprendre des termes d’équitation, et m’initier à tous les mystères de la vie. Mais non, il n’enseigne rien et ne souhaite rien.
Si sa silhouette longiligne pouvait passer pour élégante au début de notre union, il est devenu empâté. Son physique plus ingrat est en adéquation avec le vide de sa vie intérieure. Je me trouve avec un homme habillé sans recherche ni goût du beau. Il porte des vestes usées et des bottes grossières. Il est persuadé qu’il n’a point besoin de jolies bottes de cavalier ou de chemises élégantes dans son quotidien de médecin de campagne et sa mère le soutient dans cette économie. Quant à sa coiffure, elle ne présente aucune élégance, mais au contraire le reflet de son manque de soin.
Il m’aime et me croit heureuse, mais je ne suis rien de tout cela. Je me maudis de ne pas avoir eu la joie d’aimer un autre homme, de ne pas avoir saisi ce bonheur.
Un regret s’installe qui ne devient que plus insupportable. Les journées se ressemblent et ce n’est que monotonie, souvenir et rêves d’une autre vie. Le goût de la vie me quitte à chaque seconde de cette vie perdue et monotone. Plus aucune envie ne me vient, la nourriture me dégoûte à présent, sortir devient une torture… Plus aucun rire, sourire ou mot ne veut sortir de ma bouche et je reste là à observer ma propre vie partir en fumée, plus aucun espoir ne surgit.
Je m’estime à présent plus malheureuse, après ce nouvel emménagement. Maintenant le chagrin s’est installé et j’ai la certitude qu’il n’en finira plus.