Publié par Soa et Carla
« Peut-être aurait-elle souhaité faire à quelqu’un la confidence de toutes ces choses. Mais comment dire un insaisissable malaise, qui change d’aspect comme les nuées, qui tourbillonne comme le vent ? Les mots lui manquaient donc, l’occasion, la hardiesse.
Si Charles l’avait voulu cependant, s’il s’en fût douté, si son regard, une seule fois, fût venu à la rencontre de sa pensée, il lui semblait qu’une abondance subite se serait détachée de son cœur, comme tombe la récolte d’un espalier, quand on y porte la main. Mais, à mesure que se serrait davantage l’intimité de leur vie, un détachement intérieur se faisait qui la déliait de lui.
La conversation de Charles était plate comme un trottoir de rue, et les idées de tout le monde y défilaient dans leur costume ordinaire, sans exciter d’émotion, de rire ou de rêverie. Il n’avait jamais été curieux, disait-il, pendant qu’il habitait Rouen, d’aller voir au théâtre les acteurs de Paris. Il ne savait ni nager, ni faire des armes, ni tirer le pistolet, et il ne put, un jour, lui expliquer un terme d’équitation qu’elle avait rencontré dans un roman. »
Madame Bovary, Partie I chapitre 7 (1857)
Son regard posé sur la trouvaille achetée durant le trajet me rappelle l'exacte amertume que son visage souriant m'inspire au dîner. Le même encore qu'il reproduit lorsqu'il enroule une mèche de mes cheveux autour de ses doigts. Ce sourire béat qu'il afficherait devant un chien. Je me lasse de son sourire, à vrai dire je m'ennuie plutôt, car pour être lassée encore faudrait-il l'avoir aimé un jour.
Devrais-je, pourrais-je en faire part à une personne qualifiée ? La bonne sûrement, elle serait forcée de larmoyer sur mon sort, je la paierais. Je ne le ferais pas, après mon aveu, elle jetterait le mouchoir qu'elle a utilisé en me lançant que la vie, ô la vie n'est pas facile ! Quand le corps est triste, le cœur languit !
Pertinent, mais trop osé, qu'en sait-elle que mon corps est triste, est-ce que sentir un vide, c'est être malheureux ?
Est-ce cela la morosité, le vide, la faim ?
Je ne saurais penser, après tout, il n'y a pas de bonne façon d'en finir, se jeter d'une fenêtre ?
Je vais jouer du piano…