Publié par Jade et Luna
« Un domestique monta sur une chaise et cassa deux vitres ; au bruit des éclats de verre, madame Bovary tourna la tête et aperçut dans le jardin, contre les carreaux, des faces de paysans qui regardaient. Alors le souvenir de Bertaux lui arriva. Elle revit la ferme, la mare boueuse, son père en blouse sous les pommiers, et elle se revit elle-même, comme autrefois, écrémant avec son doigt les terrines de lait dans la laiterie. Mais, aux fulgurations de l'heure présente, sa vie passée, si nette jusqu'alors, s'évanouissait tout entière, et elle doutait presque de l'avoir vécue. Elle était là ; puis autour du bal, il n'y avait plus que l'ombre étalée sur tout le reste. Elle mangeait alors une glace au marasquin, qu'elle tenait de la main gauche dans une coquille vermeil, et refermait à des demi les yeux, la cuillère entre les dents. »
Madame Bovary, Flaubert (1857)
Noble, enfin noble ! dans la danse et le luxe
Je regarde les gens timidement, surtout ce cavalier en habit bleu foncé et cette jeune femme en robe blanche, qui me font penser à Roméo et Juliette. J'ai beau essayer, je ne comprends toujours pas leur conversation compliquée, tellement leur langage est soutenu. Je ne suis habituée qu’aux conversations simples et pauvres de Charles.
Je me sens inférieure à ces aristocrates mais je ne cesse d'observer les alentours : les moulures décoratives, les grands lustres en verres, tout est élégant. Le luxe de la pièce me transporte dans un autre univers, on dirait la salle de bal d'un roman de Walter Scott !
Depuis le temps que je voulais y être, j'y suis enfin ! Parmi tous ces nobles je me sens libre, c'est encore mieux en réalité qu’en roman.
Tous ces gens, les comtes et les duchesses dansent, sauf moi et Charles bien sûr ! Je ne sais pas danser et lui encore moins, et puis jamais je ne danserais avec lui, tout le monde se moquerait de nous. Et je tiens aux apparences...
Tiens, un jeune homme aux cheveux blonds qui me fait penser à Roméo vient à mes côtés pour me proposer une valse avec lui. Je suis stupéfaite qu'il vienne me demander ça, j'accepte bien entendu. Je suis tellement enthousiaste de danser avec un si beau jeune homme, bien coiffé et bien habillé.
Mon ego se relève, je me sens bien, comme si j'étais comme tous ces gens riches. C'est comme dans les livres, je suis une princesse au milieu des princesses qui dansent toutes avec leur prince, comme dans les contes de fées. Je me sens moi, et surtout à ma place, je suis comme elles et comme eux.
Ce moment est magique, je vis enfin comme je devais vivre depuis longtemps. J'aimerais que ce moment ne s'arrête jamais. Je ne veux pas retourner à ma vie misérable avec Charles mais je n'ai guère le choix. Alors je profite de ce merveilleux moment.