Publié par Lise P.
« Lorsqu’il s’aperçut donc que Charles avait les pommettes rouges près de sa fille, ce qui signifiait qu’un de ces jours on la lui demanderait en mariage, il rumina d’avance toute l’affaire. Il le trouvait bien un peu gringalet, et ce n’était pas là un gendre comme il l’eût souhaité ; mais on le disait de bonne conduite, économe, fort instruit, et sans doute qu’il ne chicanerait pas trop sur la dot. Or, comme le père Rouault allait être forcé de vendre vingt-deux acres de son bien, qu’il devait beaucoup au maçon, beaucoup au bourrelier, que l’arbre du pressoir était à remettre :
-S’il me la demande, se dit-il, je la lui donne.
À l’époque de la Saint-Michel, Charles était venu passer trois jours aux Bertaux. La dernière journée s’était écoulée comme les précédentes, à reculer de quart d’heure en quart d’heure. Le père Rouault lui fit la conduite ; ils marchaient dans un chemin creux, ils s’allaient quitter ; c’était le moment. Charles se donna jusqu’au coin de la haie, et enfin, quand on l’eut dépassée :
-Maître Rouault, murmura-t-il, je voudrais bien vous dire quelque chose.
Ils s’arrêtèrent. Charles se taisait.
-Mais contez-moi votre histoire ! est-ce que je ne sais pas tout ? dit le père Rouault, en riant doucement.
-Père Rouault…, père Rouault…, balbutia Charles.
-Moi, je ne demande pas mieux, continua le fermier. Quoique sans doute la petite soit de mon idée, il fut pourtant lui demander son avis. »
Madame Bovary, Flaubert - Première partie, Chapitre 3
Chère Demoiselle Emma Rouault,
Je vous envoie cette lettre pour vous faire part de mes pensées et sentiments vous concernant. Passer du temps avec vous me manque, que ce soit les petites sorties entre nous ou nos diverses conversations dans le jardin à la ferme.
Il me ferait donc très plaisir de pouvoir passer quelques moments en votre compagnie, profiter de votre présence quelques instants lors de promenades à pied ou bien lors de balades en voitures à cheval en ville.
Lors de mes premières visites, venir aux Bertaux me donnait la possibilité de vous voir, c’est peut-être là la raison pour laquelle celles-ci se faisaient de plus en plus fréquentes. J’aimais vous voir, pouvoir discuter avec vous.
Je me suis surpris à attendre impatiemment nos rencontres, vouloir vous revoir dès vous avoir quittée et compter le temps qui séparait nos entrevues.
Votre père m’a récemment dit que vous pensiez que je vous avais oubliée mais ce n’est pas la vérité, bien au contraire, même sans vous voir j’ai beaucoup pensé à vous ces dernières semaines.
J’ai souvent imaginé nos prochaines rencontres, le soir en rentrant des Bertaux, sur le chemin en direction de la ferme de votre père ou tout simplement lorsqu’une petite chose me faisait penser à vous Emma. J’ai songé à ce que je pourrais vous dire, les endroits dans lesquels je pourrais vous emmener. Mais j’ai également particulièrement réfléchi à vous, votre mariage plus précisément.
Emma, je vous apprécie beaucoup, j’aimerais avoir la chance de passer le reste de ma vie à vos côtés, vous faire découvrir la vie d’épouse, de famille. Vivre avec vous, dans notre propre maison, rien que tous les deux. Et peut-être même, fonder une famille, avoir un enfant, l’élever et lui donner de l’amour. J’aimerais construire une vraie vie de famille à vos côtés. C’est donc par cette lettre que je vous fais ma demande.
Ma très chère Emma, accepteriez-vous de m’épouser, et par cet acte vous lier à moi par le mariage, et devenir Madame Emma Bovary ?
En espérant une réponse positive de votre part, je vous embrasse.
Votre Charles Bovary.