Publié par Bastian
- Je ne suis pas un ange... Je vous ai bien servi, vous m'avez payé avec générosité... J'étais reconnaissant, mais j'ai vingt-deux ans... Dans cette maison, ma pensée n'était comprise que de vous et de cette personne aimable...
- Monsieur ! s'écria le marquis. Aimable ! aimable ! Le jour où vous l'avez trouvée aimable, vous deviez fuir.
- Je l'ai tenté ; alors, je vous demandai de partir pour le Languedoc.
Las de se promener avec fureur, le marquis, dompté par la douleur, se jeta dans un fauteuil ; Julien l'entendit se dire à demi-voix : Ce n'est point là un mauvaise homme.
- Non, je ne le suis pas pour vous, s'écria Julien en tombant à ses genoux. Mais il eut une honte extrême de ce mouvement et se releva bien vite.
Le marquis était réellement égaré. À la vue de ce mouvement, il recommença à l'accabler d'injures atroces et dignes d'un cocher de fiacre. La nouveauté de ces jurons était peut-être une distraction.
- Quoi ! Ma fille s'appelle Mme de Sorel ! Quoi ! Ma fille ne sera pas une duchesse ! Toutes les fois que ces deux idées se présentaient aussi nettement, M. de La Mole était torturé et les mouvements de son âme n'était pas volontaire. Julien craignait d'être battu.
Le Rouge et le Noir, Stendhal
Livre second, Chapitre XXXIII, page 484
Ce vulgaire fils d'ouvrier a donc mis ma fille enceinte. Comment a-t-elle pu se faire avoir par ce Julien ? Elle qui a tout pour séduire les autres hommes… Elle a préféré tomber amoureuse d'un pauvre. Elle va gâcher sa réputation et la mienne en même temps. Elle sera mal vue par tout le monde et moi je serai la risée de notre caste.
Mais que puis-je faire pour changer cela ? Soit je le tue et je tue son histoire, mais si je fais cela Mathilde ne me le pardonnera jamais ; soit je laisse Mathilde accoucher et je peux dire adieu à ma réputation et je deviendrai le grand-père d'un sang mêlé. Je peux également l'anoblir, comme cela personne ne saura que ma fille aime un fils d'ouvrier. Je continuerai à vivre paisiblement sans avoir peur des répercussions et ma fille vivra la vie qu’elle a choisie. Julien deviendra riche et se camouflera parmi nous.
Je pense que c'est la seule solution. Je ne veux pas risquer de perdre ma fille. Tout cela, oui, pour ma réputation. Je préfère anoblir Julien. Ce sera ma décision finale. Je vais leur annoncer la nouvelle.