Publié par Eléonore et Juliette
« Si Charles l’avait voulu cependant, s’il s’en fût douté, si son regard, une seule fois, fût venu à la rencontre de sa pensée, il lui semblait qu’une abondance subite se serait détachée de son cœur, comme tombe la récolte d’un espalier, quand on y porte la main. Mais, à mesure que se serrait davantage l’intimité de leur vie, un détachement intérieur se faisait qui la déliait de lui.
La conversation de Charles était plate comme un trottoir de rue, et les idées de tout le monde y défilaient dans leur costume ordinaire, sans exciter d’émotion, de rire ou de rêverie. Il n’avait jamais été curieux, disait-il, pendant qu’il habitait Rouen, d’aller voir au théâtre les acteurs de Paris. Il ne savait ni nager, ni faire des armes, ni tirer le pistolet, et il ne put, un jour, lui expliquer un terme d’équitation qu’elle avait rencontré dans un roman.
Un homme, au contraire, ne devait-il pas, tout connaître, exceller en des activités multiples, vous initier aux énergies de la passion, aux raffinements de la vie, à tous les mystères ? Mais il n’enseignait rien, celui-là, ne savait rien, ne souhaitait rien. Il la croyait heureuse ; et elle lui en voulait de ce calme si bien assis, de cette pesanteur sereine, du bonheur même qu’elle lui donnait.
Elle dessinait quelquefois ; et c’était pour Charles un grand amusement que de rester là, tout debout à la regarder penchée sur son carton, clignant des yeux afin de mieux voir son ouvrage, ou arrondissant, sur son pouce, des boulettes de mie de pain. Quant au piano, plus les doigts y couraient vite, plus il s’émerveillait. Elle frappait sur les touches avec aplomb, et parcourait du haut en bas tout le clavier sans s’interrompre. Ainsi secoué par elle, le vieil instrument, dont les cordes frisaient, s’entendait jusqu’au bout du village si la fenêtre était ouverte, et souvent le clerc de l’huissier qui passait sur la grande route, nu-tête et en chaussons, s’arrêtait à l’écouter, sa feuille de papier à la main. »
Madame Bovary, Flaubert - Première partie, Chapitre 7
Oh là là, il fait beau, et encore une journée ou je reste à la maison !
Je n'en peux plus de ces journées interminables, je pensais tellement qu'en me mariant avec Charles, ce pourtant bon médecin que tout le monde recommande dans le village, j'allais mener une vie de citadine ...
Mais ça n'a fait qu'empirer. Mes journées se résument à faire du piano, tricoter et à me promener de temps en temps. Et le pire dans tout ça, c'est que je me suis mariée avec un homme inutile, qui a des pensées vouées seulement à son travail. Il n'y a aucune passion entre nous, et les seuls moments passés ensemble, c'est au repas et encore... Il me parle que de ses journées.
Pourtant Charles prend soin de ses patients, mais il ne fait aucun effort pour prendre soin de sa femme, je n'en peux plus... Il ne se soucie même pas que je danse avec un autre homme au bal de la Vaubyessard.
De plus, l'homme avec qui je dansais ce jour-là était plus noble que Charles, il avait l'air tellement plus intéressant. Je me demande même s’il remarquerait si je venais à fréquenter d'autres hommes en cachette. Enfin, bon, ma vie continue, avec la routine de ces derniers mois.
D'ailleurs, j'ai rencontré un homme qui se prénomme Rodolphe, il me redonne la joie de vivre et est très spontané. L'attrait que je ressens envers lui est plus sincère que pour Charles, entre nous il y a une vraie alchimie. Tout est beaucoup plus passionnel...
Enfin bref, pourquoi n’ai-je pas rencontré cet homme plus tôt ? C'est lui qu'il me faudrait... D'ailleurs, j'aimerais tellement qu'il m'emmène à l'aventure avec lui, partir loin et recommencer une nouvelle vie de A à Z.
Mais je suis sûre qu'il ne me dira non à cause de ma fille. Je pensais qu'en donnant la vie, j'allais être plus heureuse, mais mon rythme de vie reste le même et s’englue. Je suis jeune, je n’ai encore rien vu de la vie. Je ne sais pas pourquoi je suis encore mariée avec Charles.
Il m'énerve plus que tout ! Il faut absolument que j'en parle avec Rodolphe ! Et au plus vite, cette comédie doit cesser !