Publié par Thomas
J’implore ta pitié, Toi, l’unique que j’aime,
Du fond du gouffre obscur où mon cœur est tombé.
C’est un univers morne à l’horizon plombé,
Où nagent dans la nuit l’horreur et le blasphème ;
Un soleil sans chaleur plane au-dessus six mois,
Et les six autres mois la nuit couvre la terre ;
C’est un pays plus nu que la terre polaire ;
— Ni bêtes, ni ruisseaux, ni verdure, ni bois !
Or il n’est pas d’horreur au monde qui surpasse
La froide cruauté de ce soleil de glace
Et cette immense nuit semblable au vieux Chaos ;
Je jalouse le sort des plus vils animaux
Qui peuvent se plonger dans un sommeil stupide,
Tant l’écheveau du temps lentement se dévide !
Charles Baudelaire, De profundis clamavi, Les Fleurs du mal (1857)
Combien « j’ai pleuré depuis les profondeurs » de l’abattement © Thomas
Toi qui avais troqué mes ferventes pensées
Contre d'affreux songes au timbre funèbre,
Tu as ruiné dans de néfastes ténèbres
Ma quête de bonheur, à jamais consumée !
Auprès de Morphée tu convoites mes rêves,
Ces songes qui m'amènent au lieu glacial ;
Les horizons sont plombés, le fond abyssal
Me ramène aux vices d'Adam et d'Ève.
Ni valeureux, ni preux, ni braves, ni héros,
Aucun n'a échappé à ta domination.
Ô Toi, ma plus indigne abomination,
Restitue ma raison, ou creuse mon tombeau !