Publié par Nolhan V.  

        Sous le plafond bas de ma petite chambre, est ma nuit, gouffre profond.
Précipité constamment à des milliers de mètres de profondeur, avec un abîme plusieurs fois aussi immense sous moi, je me retiens avec la plus grande difficulté aux aspérités, fourbu, machinal, sans contrôle, hésitant entre le dégoût et l'opiniâtreté ; l'ascension-fourmi se poursuit avec une lenteur interminable. Les aspérités de plus en plus infimes, se lisent à peine sur la paroi perpendiculaire. Le gouffre, la nuit, la terreur s'unissent de plus en plus indissolublement.

Henri Michaux, La Nuit remue (1935)

 

En bas, tout au bout, le gouffre © Nolhan V.  

 

Avance-toi vers ce gouffre 

Nous ne provoquons pas ta chute

Nous ne sommes pas tes bourreaux

Ne nous compare pas aux sombres monstres

Ne nous jette pas la faute 

Fais le dernier pas comme tu as fait les autres 

 

Je chute dans l’ombre de ce vide infini

Tel l’homme sombrant dans le désespoir

Je m’accroche à toutes les sources de lumière et de rédemption

- Regarde vers le bas

Je m’accroche aux mains tendues voulant m’aider

(les mêmes déjà m’ayant jeté)

- Regarde vers le bas

La lente chute semble une volonté du destin, une vérité universelle 

La vie engendre bien la mort 

Le désespoir se nourrit de la vie 

Et la mort donne une fin 

 

Finalement acculé tel le meurtrier aux mains ensanglantées, tous les indices de la culpabilité sont tachetées mais il ne peut comprendre

Moi je regarde mon passé, mes mains sont aussi sales que mon âme

Toute l’influence que j’avais sur les portes de ce couloir 

est passée

Je continue de marcher calmement, ils me rejoignent tels des séraphins 

Ignobles créatures chantant les louanges de ma vie 

Je suis Ulysse à qui l’on raconte son aventure

Quel dégoût d’entendre cette magnifique histoire que l’on a vécue

dont l’odeur morbide indigne les autres 

 

Nous ne te blâmons pas, nous ne faisons qu’observer tes actes 

Nous n’avons aucune envie de vengeance, seulement de justice 

Nous vivons sans haine de toi, seulement la tristesse 

Nous ne compatissons pas, qui peut bien aimer un monstre 

Nous ne voulons pas te tuer, seulement te pousser 

 

Descends de ton piédestal 

La réalité est bien basse maintenant 

La chute est ton ragnarök

Ton destin t’a rattrapé, te voilà en train de chuter 

La réalité te fait avancer au bout du tunnel 

 

J’enfile mon collier de tissu brodé de mes plus belles œuvres 

Je monte sur mon désespoir comme sur un échafaud 

Avec fierté je contemple une dernière fois mon ouvrage

Mes mains liées et sales de charbon, signe de mon travail acharné 

Avant de faire le dernier pas et de toucher le fond 

 

Finalement acculé tel un meurtrier, les mains ensanglantées,

toutes les réponses à ma culpabilité sont tachetées. 

 

Mais je ne répondrai de rien.

 

Tag(s) : #henri michaux, #1G4
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