Publié par Manon P.
J'eus une idée qui parut lumineuse à ma naïveté : au cours de déambulations à travers l'entreprise, j'avais remarqué que chaque pièce comportait de nombreux calendriers qui n'étaient presque jamais à jour, soit que le petit cadre rouge et mobile n'eût pas été avancé à la bonne date, soit que la page n'eût pas été tournée.
Cette fois, je n'oubliai pas de demander la permission :
– Puis-je mettre les calendriers à jour, monsieur Saito ?
Il me répondit oui sans y prendre garde. Je considérai que j'avais un métier.
Le matin, je passais dans chaque bureau et je déplaçais le petit cadre rouge jusqu'à la date idoine. J'avais un poste : j'étais avanceuse de calendrier.
Amélie Nothomb, Stupeur et tremblement (1999)
Une employée modèle sous-estimée © Manon
Je m'appelle Isabelle et je travaille dans une imprimerie. Cela fait à peu près deux mois que je suis là. Il m'est arrivé plein de problèmes. Je m'occupe de la comptabilité et j'avais oublié qu'il n’y a presque que des hommes qui travaillent dans l'entreprise. Tous les hommes m'ont vu arriver et m'ont fixée du regard comme si c'était la première fois qu'ils voyaient une femme. C'était très bizarre. Pour mon premier jour, le patron m'a donné un tas de factures.
– Il m'a dit « Bonne chance ! » d'un ton rieur.
Dans ma tête, j’ai pensé « Ils savent bien accueillir ici »… Mais j'étais motivée et je me suis surpassée. J'ai fini de tout calculer en à peine deux jours alors qu'il y avait plus de 300 factures. Comme le patron a vu que je travaillais vite, il m'a donné beaucoup plus de travail par rapport aux autres. Il m'a donné cinq gros classeurs à trier, j'ai eu beaucoup de mal à les porter jusqu'à mon bureau. Je ne me suis pas découragé.
Un matin, je suis sortie de mon bureau pour prendre un café. Quand je suis arrivée à la machine à café, cinq employés m'ont demandé de faire leur café comme si mon métier était de faire des cafés. Je les ai faits pour être gentille, comme c'était ma première semaine dans l'entreprise. Je les ai faits mais… sans conviction ! Plus les jours passaient, plus les employés me demandaient des services. Je passais plus de temps à la machine à café qu'à trier les factures. Le patron voyait que je n'avançais pas. C'est pour cela qu'il m'a donné plus de papiers à classer et encore plus de papiers à trier !
La machine à café : une vocation ? © Manon