Publié par Tatiana
C’est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Arthur Rimbaud, « Le Dormeur du Val », Cahier de Douai, 1870
Long chemin vers l’au-delà © Tatiana
À la morgue
C'est l'un des endroits les plus tristes à dépeindre,
le lieu où la plupart des gens font face à la réalité,
c'est là où l'on peut entendre les âmes des défunts se plaindre,
la place où l'on finit par éclaircir toutes les vérités.
Un cadavre allongé sur une table d'un gris cendré,
ses membres semblent inertes et bleuâtres,
ses joues décharnées aux teintes noirâtres :
à cette vue, tous pâlissent apeurés.
Ses yeux semblent fermés pour l'éternité,
le nez de la malheureuse légèrement verdâtre,
son visage allongé, livide et glacé.
Un corps si peu abîmé qu'on la croirait endormie,
le cou marqué de traces légèrement rosâtres,
j'aurais dû l'étrangler avec beaucoup plus d’énergie !
La Fin... © Tatiana