Publié par Klervi et Emma D.

A l'asile, on les plaisantait, on disait à Pérez: "C'est votre fiancée." Lui riait. Ça leur faisait plaisir. Et le fait que la mort mort de Mme Meursault l'a beaucoup affecté.

L'étranger, Camus Chapitre 1

© Philippe Bazin

© Philippe Bazin

            J'attendais monsieur Meursault et le directeur devant l'asile, sous le soleil, à côté d'un corbillard verni oblong et brillant, tout cela était strict et morose, un jour bien triste. Je vis arriver monsieur Meursault et le directeur. L'expression du visage de Meursault semblait si sereine, je n'y voyais aucune tristesse.

      Ce matin-là je m'étais habillé de façon ordinaire, ce fut très dur. Je voyais que Meursault me détaillait, et la bière passa au même moment. Mes lèvres tremblaient tant la douleur est forte.

      L'ordonnateur nous donna nos places, le curé marchait en avant, autour d'elle les hommes encerclaient le cercueil, puis le directeur et monsieur Meursault étaient derrière. Je retournais à côté de l'infirmière, nous fermions la marche sous le soleil brûlant, sous le ciel bleu. La route rouge me donnait la migraine. Nous marchâmes longtemps, et une fois en route je maudis mon chapeau avec cette horrible chaleur, des perles de sueur coulaient sur mon front.

      Meursault me fixait de temps à autre. Sur le chemin je pensais à nos balades habituelles avec madame Meursault. Nous allions  jusqu'au village le soir, accompagnés de l'infirmière. Les couleurs douces du soir étaient mélancoliques et apaisantes. C'était notre petit moment à deux, j'étais si maussade et souffrant.

      La voiture prit de la vitesse et je boitais. Ce qui m'énervait, c'est qu'ils ne se préoccupaient pas de nous, ils marchaient vite et prenaient de l'avance sur moi. Comme s’ils voulaient en finir avec madame Meursault. Comme si, elle, elle n'était pas importante et qu'elle n’en valait point la peine. J’étais plein de dégoût. La campagne me fatiguait et ils allaient vraiment vite, mes jambes me faisaient atrocement mal, ma tête tournait. Je décidais donc de couper plusieurs fois par les champs pour les rattraper, c’était très éprouvant. Ils me laissaient seul au milieu de cette campagne avec la chaleur étouffante. Ils avançaient tous en même temps comme des mécaniques sans âme, sans le moindre sentiment, même le fils. Il avait l’air d’être absent, celui-là.

      Nous arrivâmes au village où je m'avançais vers eux.  De grosses larmes de douleur ruisselaient sur mes joues creuses, puis stagnaient sur ma peau dure et ridée. Ça donnait un spectacle pathétique sûrement, et je voyais en coin le fils me regarder. Je le vis une dernière fois, avant de tomber à terre en voyant la bière à l'église. L'accumulation des efforts et de la douleur de la perte provoqua le malaise.

      J'avais perdu l'amour de ma vie.

 

 

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