Publié par Klervi et Emma D.

La maison dans les bois

            C’était la nuit du 24 décembre 1942. Cela faisait déjà trois ans que les fêtes n’avaient plus la même magie. Un soir de plus à appréhender l’arrivée de ces démons allemands, l’effroi régnait dans ce quartier bourgeois juif habituellement joyeux. Malheureusement cette année fut la dernière en famille.

            Nous dégustions un bon repas concocté par ma mère qui l’avait préparé toute la journée, quand on frappa violemment à la porte, et, instinctivement, je sus qui c’était. Je m’arrêtai de manger et mes mains tremblèrent, je regardais mes parents effrayés. Mon père me cria d’aller à l’arrière de la maison pour m’enfuir. J’hésitais, ne voulant pas laisser mes parents seuls. La panique m’envahit, alors que les hurlements et les coups s’intensifiaient. Mon père me poussa et je courus vers la porte arrière de la maison au même moment que la porte d’entrée s’ouvrit. J’entendis les cris de mes parents et les larmes coulèrent sur mes joues alors que je m’enfonçais dans la forêt dense. Je ne voyais rien, seules les étoiles m’éclairaient le chemin. Je ne m’arrêtai pas de courir jusqu’à arriver devant une maisonnette, de la lumière provenait de cette habitation perdue au milieu des bois. Je frappais à la porte, priant que quelqu’un m’ouvre. Celle-ci s’ouvrit dans un grincement, je retins mon souffle. Personne n’était derrière la porte, un long couloir sombre s’étendait et la lumière avait disparu. Je ne fis pas plus attention à ce détail et j’entrai dans la maison me réfugier. Il faisait froid et je grelottais. Je trouvai facilement une chambre où je m’affalai sur le lit et m’endormis immédiatement.

            Je me réveillai dans une pièce délabrée avec un seul lit. La lumière naturelle m’aveuglait et je dus mettre mes mains devant les yeux. Les événements de la veille revinrent comme des flashs et mon ventre se noua. J’étais seule, livrée à moi-même. Je sortis de la chambre pour visiter le reste de la maison et compris vite qu’elle était abandonnée. Je repensais vaguement à la lumière de la veille mais ce souvenir paraissait si lointain que je n’y fis pas plus attention. Je décidais de retourner chez moi pour voir si mes parents étaient toujours là, avec un peu d’espoir… Je parcourus la forêt en laissant des traces de mon passage pour mieux me repérer si j’avais à revenir. J’arrivais dans mon quartier, qui était désert et très calme. Des portes étaient ouvertes, et même des fenêtres, et ce n’était pas bon signe. Quelques allemands rôdaient dans les parages et je me fis aussi discrète que possible, je me cachais dans des buissons et je me faufilai finalement dans la maison. Elle était saccagée et un énorme désespoir me gagna. Mes parents étaient partis pour de bon… Je retournais dans la forêt et retournai à la maison.

            Le soir arriva à une vitesse folle, j’allumais des bougies pour m’éclairer, j’en mis partout pour me sentir plus à l’aise et je m’endormis difficilement en pensant à mes parents. Des grattements me réveillèrent tard dans la nuit. Je n’arrivais pas à retrouver le sommeil et ces grattements m’intriguaient alors je sortis pour vérifier une bougie à la main. Je compris vite que les bruits provenaient du fond du couloir, je pensais à des rongeurs mais je restais tout de même là, dans le couloir, éclairant le bout du couloir, espérant effrayer les rats qui m’agaçaient. Mais, à un moment, la porte du fond s’ouvrit en grinçant, déchirant le silence, la bougie s’éteignit me laissant dans le noir complet. Une forme apparut à l’embrasure de la porte, la forme était immense mais je ne voyais aucun visage. Elle était imposante et menaçante, les grattements cessèrent d’un coup. Je fixais l’ombre qui m’effrayait tant mais je courus deux secondes plus tard m’enfermer dans la chambre, des sueurs froides coulant sur mon front.

            Deux jours étaient passés sans que rien n’arrive. J’avais trouvé des explications rationnelles à la nuit flippante que j’avais passée. La fatigue et les rongeurs auteurs des grattements s’étaient désagréablement combinés. La troisième journée s’acheva et la nuit revint. J’allais m’endormir, des bruits étranges provenant de la cuisine m’alertèrent et je partis, curieuse voir ce qui se passait. En arrivant dans la cuisine, les bruits stoppèrent, je restai interdite, et m’en allai pour repartir mais je n’eus pas le temps car la porte de la cuisine claqua, me faisant sursauter au passage. J’essayais de l’ouvrir mais elle était coincée. J’étais prise au piège. Je commençai à paniquer et je m’écroulai au sol. Les bruits revinrent, se faisant plus fort, et je collais ma tête sur le sol ne voulant pas voir tellement j’étais angoissée et apeurée. J’avais l’impression d’entendre des casseroles se fracasser malgré les énormes bruits. J’entendis des pas venir vers la porte alors je hurlai à la personne de m’ouvrir mais rien ne se passa, je restais toujours coincée à l’intérieur. Après une bonne vingtaine de minutes la porte s’ouvrit et ne cherchant pas à comprendre je courus vers ma chambre. Cette nuit-là je ne dormis pas de la nuit.

            Les événements étranges s’amplifiaient mais je trouvais toujours des excuses rationnelles qui écartaient le surnaturel. J’étais continuellement angoissée et même si je pensais que ce n’était qu’une vieille maison abandonnée, je n’étais pas sereine. Le sommeil me manquait terriblement, la nuit je n’avais pas une minute de répit. Mais je ne pouvais pas m’en aller !

            La dernière nuit fut l’acmé, la plus atroce de toutes. Des casseroles et des couteaux rouillés avaient volé dans les airs sans aucune explication valable ! Ils m’avaient poursuivie, essayant de me tuer, et cette ombre, avec ses longues griffes, me faisait froid dans le dos. Je m’enfonçais dans la forêt pour échapper à ce démon, c’était la maison de l’enfer, elle était maudite ! Le vent fouettait mon visage, mais j'étais soulagée de partir enfin. J’étais enfin libérée de ces nuits blanches et angoissantes. Je me sentais mieux même si les allemands grouillaient dehors. J’étais en fuite et je traversais les bois à la recherche de mes parents.

 

 

Tag(s) : #fantastique, #dramatique
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