Publié par Savannah
L'eau est arrivée comme un mur, remplissant la vallée jusqu'à 4 mètres au-dessus du niveau ordinaire du torrent, et toutes les maisons du bas du village ont été emportées avec ceux qui étaient dedans... Ils disent : "Il nous a fallu plus d'une année de travail pour débarrasser les prés des troncs, du sable, des cailloux... Et, pendant ce temps, la maladie. Toutes les bêtes y ont passé. Puis les hommes ont eu leur tour."
Un jour des temps modernes, un avion atterrit dans une petite ville tranquille, sans envergure économique.
Un homme d'affaires se présenta aux villageois, c'était un agent immobilier reconnu dans le monde entier pour ses capacités.
Il avait entendu parler du village parce qu'il y avait une légende qui repoussait tous les étrangers loin de cet endroit, ainsi les citoyens avaient très peu de contact avec l'extérieur. C'était une place où les personnes étaient une sorte de grande famille alors ils n'avaient aucune raison de se déplacer. L'homme d'affaires du nom de Raphaël était parti à la rencontre du maire pour se renseigner sur les endroits exploitables, ou peut-être de futurs clients. Lui était différent de ses collègues, il se fichait parfaitement de la réputation du village car pour lui aucun endroit sur terre ne devait être laissé vide alors que beaucoup de personnes manquait d’un foyer.
Mais ce n'était qu'une excuse pour le grand public. En réalité sa femme était la seule femme, l'exception, à être sortie de ce village en plus de 30 ans, et qui avait découvert le monde. Après un certain temps de relation, elle lui avait parlé de ses origines et aussi de la légende, une maison située à l'écart de la ville car elle avait été habitée par une paria, ou une sorcière, personne n'était plus sûr avec le temps qui s'était écoulé entre la mort de la paria et le présent. On disait que si quelqu'un y allait, il voyait des choses qui le traumatisaient et lui portaient malheur. Apparemment en s'en approchant les hommes disparaissaient. On disait que c'était la sorcière qui les enlevait pour les manger ou en faire des potions, les rumeurs étaient toujours plus grotesques l’année suivante. Personne ne sait quand, où, ni par qui avait commencé cette rumeur mais les villageois, étant très croyants pour la plupart, refusaient obstinément de s'approcher de cette maison à moins de 200 mètres. Raphaël, un peu curieux et surtout très orgueilleux, avait tourné en ridicule cette légende et avait même promis à sa femme de lui créer une foyer dans cette ville, avec tous ces gens qu'elle aimait tant, pour fêter leur mariage.
L'avis du village était très négatif au début, disant que la nature ne le laisserait pas faire. Il entreprit donc d'embaucher des volontaires pour l'aider à remettre en état la maison. Il avait mis une affiche avec son numéro pour savoir qui serait assez brave pour l'accompagner. Sa réputation avait tellement tourné d'oreille à oreilles que rapidement des jeunes fougueux se rapprochèrent et proposèrent leur candidature. N'ayant pas d'autre demandes au fur et à mesure des jours, il décida d'y aller sans attendre et de toute manière si quelqu'un changeait d'avis il saurait où le trouver
Le chemin était un peu ardu car il n'y avait ni sentier praticable ni chemin net.
Le plus gros du travail, c’était de faire des chemins, des routes avaient été longues et pénibles à finir cependant Raphaël ne s'était pas découragé. De plus en plus de personnes quittaient le chantier après un certain temps tellement le travail avançait vite, alors Raphaël commença à jouer de ses relations pour apporter des meubles jusqu'à la maison, par voie aérienne, et même s'il avait fait des aménagements pour pouvoir y venir, il y avait toujours une rivière très grande qui empêchait les grands camions, et les arbres bloquaient les avions.
À cause de ça le projet avait pris un peu plus de temps que prévu. Au bout de 5 mois de travail la maison était enfin prête. Raphaël s'empressa alors d'appeler sa femme pour qu'elle vienne mais elle eut un empêchement : elle se résolut à venir deux mois plus tard. Raphaël entreprit de faire du commerce, ainsi les villageois, un peu réservés, ne venaient que de temps en temps.
Il créa un dortoir dans sa résidence pour permettre aux gens de ne pas rejeter sa présence. Même avec les aménagements il avait une atmosphère étrange, menaçante, déroutante.
Du village on pouvait voir la forêt et entendre le bruit de la rivière : après il y avait trois chemins ; l’un menait à l'avion de Raphaël, celui du milieu à la maison, et le troisième au village. Les arbres de ces chemins étaient morts, ils avaient beau être entretenus, aucune feuille ou fleur n'arrivait à pousser sur ces arbres.
Il y avait comme une maladie qui ravageait les arbres. En remontant il n'y avait vraiment aucun bruit, on aurait dit que la vie ici ne passait pas, les arbres empêchaient les rayons de soleil d'atteindre les alentours de la maison, puis quand on arrivait, on entrait dans une sorte de clairière à l'air plutôt normal, hormis le fait que son seul accès était la forêt et qu'elle était entourée de falaises qui semblaient prêtes à s'écraser au sol. Ne s'inquiétant pas de l'ambiance Raphaël continuait de profiter de ses vacances dans sa nouvelle maison.
Un jour en se baladant dans la forêt un beau jour ensoleillé, il tomba sur une pierre tombale au fin fond de la forêt, indéchiffrable. Il semblait être écrit dessus le nom d'une femme, il n'y fit pas plus attention que ça. L'endroit n'était pas du tout éclairé mais la tombe semblait entourée de lumière. C'était magnifique. Il eut une idée, pourquoi ne pas faire un spa dans cet endroit ? Cela améliorerait la qualité de vie et attirerait des étrangers. D'une pierre deux coups n'est-ce pas ? Il repartit alors chercher des volontaires. Dans ce groupe cette fois, il y avait : Jacques un vieil homme voulant laisser une trace de sa vie, peu importait où ; Théo, un petit garçon en manque d'argent pour voyager dans le monde et qui avait entendu parler de la vie de rêve de la femme de Raphaël ; Ferdinand, un homme cupide mais habile ; et Harvet, un jeune homme paresseux ayant perdu un pari.
Avec ce petit groupe plusieurs semaines passèrent en un éclair, cependant un peu avant le voyage de sa femme jusqu’au village des problèmes apparurent ; des tempêtes étaient devenues une habitude, le sol craquait et s'affaissait, les bêtes semblaient apeurées en permanence. C'est alors que pendant une courte accalmie Raphaël retrouva le vieux Jacques près de la tombe de la femme dans la forêt. Jacques se retourna pour observer l’intrus, puis – moment de silence – Jacques reprit la parole :
« Que faites-vous là monsieur Raph ?
- J'allais vous poser la même question Jacques, pourquoi êtes-vous à côté de la tombe de cette femme ? Vous la connaissiez ?
- (Encore un moment de silence) oui c'était mon amie. Avez-vous entendu parler de la légende qui se trouve en ces lieux ?
- Encore cette histoire ? oui, un bon nombre de fois !
- Et qu'avez-vous entendu ?
- Que c'est l'histoire d'une sorcière qui hanterait ces lieux, ou sinon plein d'histoires transformées à la guise de chacun !
- Alors voulez-vous entendre ma version de l'histoire ?
- Allez-y, de toute façon, ce n'est pas comme si nous manquions de temps.
- Rosalia. La femme que vous appelez sorcière était une femme magnifique, autant jalousée qu’admirée, elle rendait fière son entourage par tout ce qu'elle entreprenait, un jour un étranger est apparu au village. Il était beau, fier et élégant. Ils tombèrent rapidement amoureux l'un de l'autre mais Rosalia étant déjà promise à quelqu'un d'autre, ils avaient décidé qu'ensemble ils s'enfuiraient loin et vivraient heureux pour toujours. Quand ce jour vint Rosalia attendit l'étranger pendant plus de quatre heures mais il ne venait toujours pas. Alors elle alla le chercher elle-même et elle tomba sur une scène qui la brisa. L'homme qu'elle aimait était en fait un coureur de jupons qui se trouvait en au même moment avec une autre femme, alors qu'il avait promis à Rosalia de l'épouser. Dévastée, Rosalia entama une explication mais l'homme l’arrêta, la rejeta puis avec sa nouvelle compagne la défigura avant de la laisser au bord de la route. Et voyez-vous, même le visage ensanglanté elle restait toujours belle. Quand elle fut retrouvée elle était au bord de la mort. Elle fut jetée dans cette maison pour y finir sa vie mais elle survécut. On ne sait pas comment l'homme qui avait ainsi bafoué son honneur mourut d'une façon horrible et incompréhensible.
- Ne me dites pas que la tombe de cette femme est celle-ci ? Mais qui aurait bien pu l'enterrer ?
- Moi, évidemment, je vous dis qu'elle était mon amie.
- Alors vous savez si cette histoire de sorcière est vraie n'est-ce pas ?
- Évidemment, mais Rosie ne veut pas que je vous la raconte, elle dit que vous n'êtes pas digne de confiance.
Alors encore une fois la terre trembla, le vent se leva, des bruits secs et assourdissants se firent entendre.
- Vous ne devriez pas rester là, ou vous en paierez le prix, mère nature n'est pas gentille avec les étrangers. Si elle le voulait elle vous anéantirait tous parce que les hommes sont une espèce cupide, très avide de terre.
- Ne me faites pas rire Jacques, les choses comme mère nature, ou encore qu’une sorcière de conte de fées vous parle est tout bonnement impossible. Si elle veut vraiment que je lui rende ses terres, elle n'a qu'à attendre que je n'en aie plus besoin, une centaine d'années ce n'est pas grand-chose pour elle, donc quand je n’en aurais plus besoin elle pourra de nouveau en faire ce qu'elle veut avec.
Il s'en alla en éclatant de rire .
- Je vous aurez prévenu ... homme cupide ! »
On ne revit jamais plus Jacques.
Les mois passèrent. Raphaël n'arrivait plus à joindre sa femme, elle avait déjà un mois de retard. Le petit Théo, lui, avait disparu pendant plus de trois semaines et quand il réapparut il avait une maladie. Cette maladie s'était transmise en bas dans le village. Tous les jours de plus en plus de morts, par dizaines puis une vingtaine jusqu'à toucher tout le village. Le pauvre Ferdinand avait essayé de voler les caisses de l'agence de transport de la ville et avait fini écrasé par des troncs d'arbres qui n'étaient pas censés être là. Harvet, lui, encore avec ses paris, au lieu de travailler était resté trop près des arbres pendant une tempêtes et était mort calciné.
Tout était calme, il ne restait plus beaucoup de personne dans le village, personne dans la maison, personne aux alentours et un jour la télé passa toute seule sur une chaîne mais Raphaël, trop exténué par les mois de solitude, ne bougea même pas et n'essaya pas de comprendre. C'était une chaîne people qui parlait d'un nouveau couple très célèbre qui allait se marier. Quelle ne fut pas la surprise de Raphaël quand il vit sa femme au bras d'un nouveau riche ! Tandis qu'elle ne lui répondait plus depuis des mois, elle semblait heureuse comme si Raphaël n'avait jamais existé ! Aucun signe de remord, aucune peine, aucun doute..... Raphaël était perdu. Il avait dans un cadre photo les papiers de son mariage avec elle ... il les vérifia et vit. C'était des faux depuis le début, elle avait tout planifié jusqu'à le laisser partir dans un endroit où elle savait pertinemment qu'elle ne mettrait jamais les pieds.
Puis un message, sur son téléphone de la part de sa femme il s'empressa de l'ouvrir et il ytrouva un message audio :
« Coucou Raph. Je suppose que tu as vu les infos. Eh oui c'est vrai, je dois dire que j'ai vraiment bien joué, je pensais que jamais je n'arriverais à te faire aller là où tu es. Tu as mis tant de temps à m'écouter que c'était vraiment agaçant ! Sinon tu te demandes peut-être pourquoi je t'ai envoyé là-bas ? Tu te rappelles de la légende que je t'ai racontée ? Eh bien figure toi que j'ai trouvé toutes tes discussions avec ces autres femmes : ça m'a ouvert les yeux et j'ai repensé à cette histoire. J'ai trouvé que ça nous ressemblait un peu donc voilà c'est mon petit cadeau d'adieu vois-tu ? Oh ! et une dernière chose, je suis cette Rosalia dont tout le monde parle, cette histoire ne remonte pas à plus de trente ans, mais à une dizaine d'année et la personne qui a été défigurée à ma place et jetée comme une moins que rien dans la forêt n'est autre que ma sœur jumelle, amusant, non ? J'ai ainsi pris sa place et ai gagné la situation qui me revient de droit, tandis qu'elle a fini comme elle aurait dû finir bien avant ! Bref je m'éternise, mon mari va me chercher ! Tout ça pour te dire : bonne chance pour revenir ! »
Raphaël sortit de sa maison, bouleversé, alla doucement vers son avion... plus rien, il descendit vers le village .... Personne dans la forêt ... rien non plus, juste une voix qui lui répétait sans cesse « Je te l'avais dit je t'avais prévenu ! »