Publié par Arthur
C'est à ce moment précis que l'aumônier est entré. Quand je l'ai vu, j'ai eu un petit tremblement. Il s'en est aperçu et m'a dit de ne pas avoir peur.
Quand je suis rentré dans la pièce, Meursault a eu un tremblement. Je l'ai tout de suite remarqué, j'ai pensé qu'il avait peur, je lui ai dit qu'il ne devait pas me craindre. Je me suis assis sur sa couchette et je lui ai demander s’il voulait se mettre près de moi. Il a refusé. Pendant un moment il y a eu un silence puis je lui ai demandé pourquoi il refusait mes visites. Il m’a répondu qu'il ne croyait pas en dieu, je lui ai demandé pourquoi, s’il en était bien sûr, il m’a dit qu'il n'avait pas à se le demander, que cette question lui paraissait sans importance. J'ai alors observé à haute voix qu'on se croyait sûr, quelquefois, et, en réalité, on ne l'était pas. Il n’a rien dit. Je l’ai interrogé sur ce qu'il en pensait. Il a simplement répondu que c'était possible. Il n'avait pas l'air intéressé. J’ai pensé qu'il était désespéré.
Meursault m’a expliqué qu'il n'était pas désespéré mais qu'il avait peur et que cela était normal. Je pouvais le comprendre, il allait mourir. J'ai voulu le guider vers Dieu pour qu'il l'aide sur le chemin de la mort. Je lui ai aussi dit que tout ceux que j'avais connus et qui étaient dans le même cas que lui s'étaient tourné vers Dieu. Hélas ! Il m’a répondu que c'était leur droit et que cela prouvait qu'ils en avaient le temps, mais que lui ne l'avait pas, il ne voulait pas qu'on l'aide. Il disait qu'il manquait de temps pour s'intéresser à ce qui ne l'intéressait pas.
Cela m’a agacé mais je me suis repris. Je lui ai dit qu'il mourrait plus tard s'il ne mourait pas aujourd'hui. Je lui ai demandé comment il abordait cette terrible épreuve. Il m’a répondu qu'il l'abordait exactement comme en ce moment. Je me suis levé et je lui demander droit dans les yeux s’il n'avait aucun espoir, s’il vivait avec la pensée qu'il allait mourir tout entier, il m’a répondu oui. J'ai senti qu'il commençait à s'ennuyer, j'étais inquiet pour lui. Je pense qu'il a senti que je m’inquiétais et que cela me rendait triste. Il s’est remis à m'écouter. Je me suis dit qu'il n'était pas trop tard, il pouvait encore laver son pécher. Hélas ! il ne savait pas ce qu'était un péché. On lui avait seulement appris qu'il était coupable et qu'il payait pour son crime. Je lui ai dit qu'on pourrait lui demander de voir. Il ne savait pas quoi. On pourrait lui demander de voir un visage divin, c'est ce visage que je voulais qu'il voie. Il s’est énervé, il m’a dit que sa faisait des mois qu'il regardait ces murailles, c'est ce qu'il connaissait le mieux au monde.
Il y a bien longtemps, il avait essayé de chercher le visage de son amie Marie. Mais il m’a dis qu'il l'avait cherché en vain, et que maintenant c'était fini. J'étais triste de tout ce que je venais d'entendre, je voulais l'embrasser mais il ne voulait pas. Cela m’attristait tellement que je lui ai crié que je ne pouvais pas le croire, j’étais sûr qu'il lui était arrivé de souhaiter une autre vie. Il m’a dit que ça n'avait pas d'importance et que c'était comme souhaiter être riche. Je voulais savoir comment il voyait cette autre vie, il s’est alors mis à crier qu'il voulait une vie où il se souviendrait de celle-ci. Il en avait assez, il me disait qu'il ne lui restait plus beaucoup de temps, mais justement ce temps je voulais qu'il le consacre à Dieu pour laver ses péchés. Je lui ai dit que je prierais pour lui. Il s’est alors mis à crier et m’a pris par le collet de ma soutane. Je l'ai laissé faire, il devait être en train de se défouler, il expulsait sa colère. Il me criait qu'il était sûr de lui et de cette mort.
Les gardiens sont arrivés et l'ont menacé pour qu'il se calme. J’ai regardé Meursault un moment. J'avais les yeux plein de larmes, j'étais triste, son âme s'était perdue, il ne voulait pas croire en Dieu, ni même s’y intéresser.
J'allais prier pour lui.