Publié par Blandine

Ma couveuse, ma maison !

Ma couveuse, ma maison !

Je suis née à quatre heures du matin, le 9 janvier 1908, dans une chambre aux meubles laqués de blanc, qui donnait sur le boulevard Raspail. Sur les photos de famille prises l'été suivant, on voit de jeunes dames en robes longues, aux chapeaux empanachés de plumes d'autruche, des messieurs coiffés de canotiers et de panamas qui sourient à un bébé : ce sont mes parents, mon grand-père, des oncles, des tantes, et c'est moi.

Mémoires d'une jeune fille rangée, Simone de Beauvoir (1958)

          Tu sais, ce moment qui dans la vie devrait être une joie ? Et bien, ce moment-là pour toi comme pour tes parents a été loin d'être joyeux ! Tu sais de quel moment je veux te parler : celui de ta naissance ! Eh oui, tout le monde est enthousiaste lors d’une naissance, tout le monde est heureux, content, joyeux d'accueillir un nouveau petit être. C'est, normalement, un moment de pur bonheur partagé en famille et entre amis ! Mais surtout, un moment unique pour chacun d'entre nous sur cette terre !

     Tu vas me demander si ton arrivée dans ce monde a été fabuleuse et magique ? Je te réponds immédiatement, pas totalement ! D'un côté, elle a en effet été émouvante, car tu as agrandi une magnifique famille ! Mais d'un autre côté, elle a été très perturbante ! En effet, ta vie n'a pas très bien commencé. Et pour cause, tu es arrivée en avance ! Trop tôt ! Tu as pointé le bout de ton nez à cinq mois et demi de grossesse, le 19 janvier 2003, soit trois mois et demi avant la date prévue. Tu pesais 630 grammes, plus légère qu'une boîte de sucre ! Trop petite, trop fragile ! Par conséquent, tu es restée quatre mois à l'hôpital : deux mois au service de réanimation, suivis de deux mois au service de néonatologie. Durant un long moment, tu as été nourrie par un tuyau introduit dans ta gorge car tu étais trop faible pour prendre le biberon. Tu vivais dans une couveuse fermée qui te maintenait au chaud, souvent recouverte d'une couverture afin que tu ne sois pas agressée par la lumière. Deux petites fenêtres permettaient à tes parents de te toucher, de te rassurer. C' était leur seule façon de te donner du courage, de t'exprimer leur soutien et de t'aider dans ton combat. Pour toi, cette couveuse représentait ta maison, tu t'y sentais de mieux en mieux, en sécurité, tu y étais très attachée. 

     À ta naissance, tes parents t'ont offert un doudou surnommé « Gino » qui couvrait complètement ton petit corps. Gino est devenu ton fidèle ami, il t'aidait au quotidien entre tes périodes de soins douloureux et te cajolait dans tes moments de repos. Cette période de ta vie n'a pas été facile pour toi, même si tu ne t'en rappelles plus totalement. Tu en gardes malgré tout des traces, comme par exemple les nombreuses petites cicatrices laissées sur tes deux mains par les prises de sang à répétition et les perfusions. Mais heureusement, tu t'es battue, tu avais la rage de vivre, tu étais une petite guerrière en quelque sorte ! 

     Dès tes premières heures de vie, tu as montré à ton entourage et au personnel médical que tu allais t'accrocher ! Tu voulais montrer à tes parents et à ton frère, ton désir de vivre et ce, grâce à ta force de caractère. Pour toi, c'était comme un défi que tu as relevé avec succès.

     En effet, quatre mois plus tard, tu avais atteint un poids correct, tu t'alimentais normalement et respirais enfin toute seule sans aucune aide. Ta sortie fut autorisée, à la grande joie de tes proches !  Tu as quitté l'hôpital, le 18 mai 2003, accompagnée de tes parents et de ton frère. Une nouvelle vie s'offrait à toi, Tu allais pouvoir, enfin, découvrir ta vraie maison, ton nouveau nid. Désormais, ta maison ne serait plus ta couveuse mais bel et bien une vraie maison avec une chambre rien que pour toi !

     Ta petite famille était au complet et tellement heureuse ! Néanmoins, ton retour a été un peu difficile. Tu ne retrouvais plus tes repères, tu ne connaissais pas ce nouvel environnement. L'endroit était calme, sans bruits de machines, sans mouvements particuliers, incompréhensible pour toi. Heureusement, tes parents ont su te donner tout l'amour et la confiance pour que tu t'adaptes en tout sérénité. Tu as été suivie à l'hôpital jusqu'à tes six ans pour voir si tu te développais correctement. Ouf ! Tout le monde se voyait rassurant.

     Au fil des années, tu devenais une petite fille joyeuse et pleine de vie. Alors voilà, ta naissance, tu ne l'oublieras jamais, car elle fait partie de ton histoire, mais tu peux être fière de toi et du résultat, car tu t'en sors très bien ! Aujourd'hui, tu es très contente de t'être battue pour rester en vie, car tu vois toutes les magnifiques choses que tu as pu découvrir durant toutes ces années. Tu n'es qu'au début de ta vie, tu n'as écrit que les premiers chapitres, il t'en reste de nombreux autres à rédiger : les malheureux comme les joyeux. Ta vie ne fait que commencer et tu vas la continuer avec autant d'enthousiasme et de fierté qu'à tes débuts.

 

Tag(s) : #autobiographie
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