Publié par Klervi
Vendredi 20 Mars, 9h00. Depuis bientôt une semaine, j'ai pris un rythme de vie différent. Mes journées sont faites de devoirs, d'ennui et de siestes. Je ne fais généralement pas grand-chose d’intéressant. Aujourd'hui, j'ai prévu de sortir prendre l'air même sous l'interdiction formelle de ma mère, aller dans mon jardin serait déjà un bon début. Le soleil brille, aucun nuage ne vient gâcher le doux ciel bleu. La température est agréable. J'ai envie de bouger et de faire du sport. Me prélasser toute la journée ne me dit plus rien. Les tensions montent encore à la maison, des cris résonnent déjà. Toute cette mauvaise ambiance, ce stress permanent et oppressant me donnent envie de m'échapper, de partir loin, très loin. J'ai envie de m’aérer l'esprit, d'enlever cette inquiétude constante quant à la progression du virus. Le discours de Macron veut que tout le monde reste le plus possible chez soi, pour aller dehors il faut avoir une attestation et une bonne raison valable, sinon amende. Je pense que l'amende a refroidi beaucoup de rebelles qui voulaient encore échapper aux règles, pourtant déjà strictes du gouvernement. Mon frère râle, pleurniche et se plaint de ne pas pouvoir sortir. Je lève les yeux au ciel et préfère l'ignorer, il est trop agaçant. Il pose des tas de questions, ma mère y répond avec le plus grand calme même si je vois que cela l'énerve.
Quand je vais dehors, c'est pour me défouler, courir et jouer avec les seules personnes que je suis encore capable de supporter. À part nos voix, c'est le calme complet dans le quartier. Je regarde par-dessus le grillage, c'est désert, un étrange calme règne dans les rues. Des volets sont fermés comme si nous étions en temps de guerre. Les habituels jeunes qui se baladaient dans ma rue ne sont plus là. Chacun est reclus chez soi, pour le bien de tous. J'entends en boucle la radio qui informe en continu des nouvelles sur le covid-19. J'écoute attentivement le témoignage d'une infirmière débordée. Elle nous parle de la gravité de la situation avec une voix à la fois fatiguée et énervée. Son histoire est frappante et je ne peux pas m'empêcher d’éprouver de la compassion envers cette femme courageuse, je ressens également de l'admiration pour cette inconnue prête à tout pour sauver des vies, et nous sortir de cet enfer. Je me rends encore compte que ce virus est loin d'être anodin, encore un nouveau pas dans la prise de conscience. Avant, je pensais qu'on ne voyait ça que dans les films américains, mais tout peut arriver... Maintenant, j'angoisse. Mes amis me manquent, le lycée me manque. J'ai l'impression d'être enfermée depuis des semaines chez moi, ma liberté partie en fumée, j'erre encore et encore dans la maison. Je ne regarde plus les réseaux sociaux où grouillent des dizaines de rumeurs. Je suis exaspérée de voir que des gens se servent de cette épidémie pour faire le buzz. C'est à la fois immature et irrespectueux.
Le soir arrive lentement, ma mère prépare des pâtes, elle préfère vider le stock avant de s'attaquer à la nourriture achetée il y a peu. Elle n'a pas envie de retourner dans un supermarché pour encore se faire bousculer, mal regarder. Je la comprends, pour être allée dans le magasin avec elle, c'était terrifiant de voir comment les gens se comportent, et de voir les personnes changer subitement en temps de crise. Le repas se fait dans le silence, on ne parle pas, on écoute les informations du soir, on réfléchit. Je me réfugie dans ma chambre, j'aime être seule le soir, je me couche rapidement, je préfère en finir avec cette journée monotone et ennuyeuse. Une routine bien fastidieuse se met en place progressivement. Je me mets au lit désormais tôt, et je tombe dans les bras de Morphée dans le vacarme familial.