Publié par Agathe

Invasion

Nous sommes libres, et voilà que tu as enfoui dans notre terre le titre de notre futur esclavage. Tu n'es ni un dieu ni un démon, qui es tu donc pour faire des esclaves ?

Supplément au voyage de Bougainville, Diderot

     Depuis toujours, la vie était calme, apaisante et le chant mélodieux des oiseaux résonnait.

     Il est 12 heures 15, le village a cessé son activité pour se restaurer, avant de reprendre le travail. Rien de plus routinier, je salue au loin mes voisins, et commence à manger mon repas. Il n’est pas plus tard que 13 heures quand un brouhaha s’élève et brise le silence. Tous, surpris par un tel vacarme, les yeux grands ouverts, tendons l’oreille afin de comprendre d’où provient ce bruit. Peu à peu, on arrive à reconnaitre qu’il s’agit d’un chant marin derrière le tumulte assommant. J’entends des mots se répéter en boucle « Liévé bar ta swo » comme un ordre à effectuer. Figés que nous sommes, sur place, telles des statues, personne ne sait comment réagir. Le bruit semble se rapprocher peu à peu, comme une fanfare assourdissante. Je commence alors à apercevoir d’énormes silhouettes : ce sont des hommes, lourdement armés et c’est d’un air supérieur qu’ils traversent notre village. Mais qui sont-ils pour venir troubler ainsi notre tranquillité ?

     L’ambiance du village devient très vite pesante, comme si deux camps étaient en train de se former. J’ai un mauvais pressentiment. Je fais partie de ceux qui, avec les yeux froncés, regardent avec rejet ces envahisseurs. Contrairement aux voisins d’en face, que j’aperçois regarder avec fascination les nuisances sonores s’incarner et défiler sous nos yeux. C’est devant la maison du chef de village qu’ils déposent leurs lourdes affaires. Avec beaucoup d’incompréhension, j’observe cette scène au loin.

     On me fait signe de retourner travailler. Et c’est en fin de journée que je découvre qu’ils sont alors des milliers, installant des tentes et des tables partout dans le village. Heure après heure, ils deviennent de plus en plus nombreux, comme si la population était en train de s’effacer sous leur invasion. 

Tag(s) : #l'ingénu
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