Publié par Maïlis

Ô chaînes infâmes du legs paternel Ⓒ COPYRIGHT Maïlis L.

Ô chaînes infâmes du legs paternel Ⓒ COPYRIGHT Maïlis L.

Ça y est. C’est fait.

Mon père a été condamné. Aujourd’hui, le sang sur ses mains a déteint sur mon nom. À partir de maintenant, moi et tout le reste de ma famille, nous sommes salis. Ma mère a perdu espoir, ma sœur a perdu le sourire. Et moi, j’ai perdu mon nom.

Je ne suis plus rien, seulement un déchet de la société aux yeux des autres. Mon père, cet homme abominable, disent-ils, mérite certainement ce châtiment. Et moi, son sang coule dans mes veines. Les journaux ne le disent pas explicitement, mais les gens sont plus honnêtes. Ils ne gardent pas leurs pensées odieuses pour eux, et, sans me le dire en face, je sais ce qu’ils voient en moi, je l’entends. Le fils d’un monstre ne peut être un ange. Il en est ainsi dorénavant pour tous ceux qui portent son nom.

Hélas ! L’édifice familial s’est effondré et les gravats qui restent sont à mes yeux insignifiants. À quoi bon reconstruire ? Nous sommes tous voués à l’échec et à l’infamie. C’était inéluctable.

Lui, cet homme qui était mon idéal, ce père qui adorait ses enfants, ce mari qui aimait sa femme, il a commis l’irréparable. Il a tué un homme, il a pris une vie. Comment lui pardonner ? Le monde le voit déjà comme un meurtrier. Ce visage qu’ils commentent et critiquent… Ça, ce n’est pas mon père ! Pas celui que je connaissais. Et pourtant, il va maintenant subir le châtiment des hommes. Je subirai celui de Dieu.

La mort n’est pas assez pour me punir, dit-il.

C’est pourquoi il devra périr dans l’abandon total de sa dignité. Il s’accepte vaincu, et j’en meurs. Il se dit assassin. Comment l’admettre ?

Je ne peux voir une once de bandit dans l’âme de mon père. Il était bon, si bon ! Ces actions, comment a-t-il pu les commettre ? Je l’aime et le déteste ; je l’admire et l’abhorre ! Je ne sais plus qui prier, quoi prier ! Délivrez-moi ! Tuez-le !

Que faire, maintenant que mon monde est en ruines ? Nous sommes des ordures, voilà ce que cette société imparfaite voit en nous ! Fils de criminel, voilà qui je suis ! Je suis affreux, je suis laid, et maudit aussi ! Je suis la proie du destin, et alors ? Très bien ! Qu’il s’acharne sur moi ! Je ne vais plus me débattre. Mes mains faibles ne me libéreront pas de ce piège ; je suffoque, enfermé, emprisonné, mais je ne lutte plus. La Fortune n’a pas de pitié, et moi je n’ai plus de force. Le poids de ses erreurs fait ployer mon dos. Ce fardeau est insupportable, je m’écrase devant les forces divines. Je m’abandonne au sort !

J’ai tenté de me relever de cette chute, en vain ! Même si j’essaie de vivre, c’est ma lignée entière qui souffrira de ce fardeau, comme j’en ai irrémédiablement hérité. Mon père m’a légué son malheur, et moi, je l’emporterai dans ma tombe.

Mon père est déjà mort, et je suis sans vie.

Nous ne serons plus jamais rien.

Tag(s) : #tragique, #S4
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