Publié par Clément LG
« Blaise, dis, sommes-nous bien loin de Montmartre ?
Nous sommes loin, Jeanne, tu roules depuis sept jours
Tu es loin de Montmartre, de la Butte qui t’a nourrie, du Sacré Coeur contre lequel tu t’es blottie
Paris a disparu et son énorme flambée
Il n’y a plus que les cendres continues
La pluie qui tombe
La tourbe qui se gonfle
La Sibérie qui tourne
Les lourdes nappes de neige qui remontent
Et le grelot de la folie qui grelotte comme un dernier désir dans l’air bleui
Le train palpite au cœur des horizons plombés
Et ton chagrin ricane… »
Prose du Transsibérien et autres poèmes
de Blaise Cendrars
(page 22)
Dis Blaise, sommes-nous bien loin de Montmartre ?
Oui, nous sommes déjà loin, Jeanne
Nous avons quitté notre terre d’adoption
Montmartre est orpheline
Cette colline n’est plus qu’une ébauche
Un lointain souvenir
La grisaille de nos toits
Fait place à la neige blanche tourbillonnante
Au froid saisissant
Les vastes sommets ont balayé
La coupole de la Basilique
Les gargouillements de la ville
Se sont dispersés
Ne reste plus que le chahut des rouages
Dans un silence assourdissant
Chaque forêt nous éloigne de ce poison
Qui t’a rendue nocive
La nature reprend ses droits
Mais essayons de résister
Seul l’amour pourra nous réchauffer le cœur
Alors viens te blottir contre moi...