Publié par Jade

Passage à l'acte

La femme criait toujours et Raymond frappait toujours.

L'étranger, Albert Camus - Chapitre IV

          Un silence de mort règne dans ce couloir aussi sombre qu'effroyable. Soudain, sans que je m'y attende, Raymond, maquereau à l'allure imposante, m'attrape le bras et commence à me crier dessus de toutes ses forces : « Pourquoi t'es-tu enfuie !? Je vais t'apprendre à rester ! » Juste par cette phrase, je sais dès à présent que c'est la fin, que je ne peux pas m'en sortir. L'homme commence alors à me gifler, chaque gifle est plus violente que la précédente, je sens les brûlures sur mes joues dues à ces énormes mains, et les battements de mon cœur dans tout mon corps. Je peux sentir, et même voir, la colère dans ses yeux monter en lui et le sentiment d'être en enfer, battue par le diable qui a l'air d'y prendre plaisir. Je ne cesse de lui dire « Arrête ! », mais il n'écoute pas ce que je dis, trop occupé à me battre. Je tente de me défendre.

          Nos cris ont attiré quelques voisins sur le palier. Raymond me jette violemment au sol avec la force d'un surhomme. Il me frappe si violemment que mon dos, nu, commence à en garder des traces. J'ai beau me débattre et d'essayer de le frapper à mon tour, rien n'y fait, sa force est supérieure à la mienne. « Tu m'as manqué ! Tu m'as manqué ! Je vais t'apprendre à me manquer ! » Il me tourne le dos en parlant, et sans que je n'aie eu le temps de comprendre la situation, il me fouette avec sa ceinture avec une telle force que mon visage et mon corps ne me ressemblent plus. Les coups sont si terribles que je me mets à pleurer toutes les larmes de mon corps, et à crier de toutes mes forces : « Tu es un maquereau ! Tu vas voir ce qui va t'arriver si je m'en sors ! Salaud ! »

          La sueur qui recouvre mon corps commence à coller au parquet et à brûler mes cicatrices. C’est irritant, en plus du sang séché, l'odeur est insoutenable, l'alcool, la cigarette que Raymond a à la bouche... Et l'odeur de roussi ne fait qu'empirer les choses. Raymond fume tout en buvant son jaune, ça le rend encore plus violent. Les cendres brûlantes de sa cigarette tombent sur mes blessures. Quelle bête. Les bougies à côté de moi n'arrangent rien, elles m'asphyxient, impossible de respirer dans cet endroit immonde.

          J'entends ce que Raymond n'entend pas, tellement il est occupé à me faire du mal, des coups sur la porte. Est-ce que quelqu'un vient me sauver ? Un agent ? Dites-moi que c'est un agent ! Qu’il me sorte d'ici ! Au bout d'un moment, Raymond entend les coups sur la porte et ouvre, la cigarette au bec, c'est bien un agent ! Quel miracle ! Je cours vers la porte et je dénonce Raymond, c’est un maquereau ! Mais il me regarde avec haine, comme s'il allait me frapper encore une fois. Mon corps tremble et est dégoulinant de sang, n'est-ce pas une preuve qu'il m'a battue et qu'il est un ignoble souteneur ? « C'est dans la loi ça, de dire maquereau à un homme ? » L'agent lui dit de « fermer sa gueule ». J'espère que tout ceci n'est qu'un cauchemar et que je vais me réveiller.

          Raymond regarde l'agent avec sa cigarette à la bouche et récolte une énorme gifle, bien fait pour lui, il mérite même plus après tout ce qu'il m'a fait ! Je sors de la pièce et je vais chez les voisins qui me recueillent et me donnent des vêtements. Mon corps... Oh Mon pauvre corps, il était si beau avant, mais c'est fini maintenant, ces cicatrices vont me suivre pendant toute une vie. J’espère que Raymond souffre après m'avoir donné plusieurs coups de pied, après m'avoir fouettée avec sa ceinture, et giflée pendant des heures, oh oui il va le payer ! Il va même y perdre la vie, car je ne suis pas seule, j'ai une famille contrairement à lui. Mon frère va lui régler son compte, et j'espère le voir mourir dans d'atroces souffrances !

 

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