Publié par Enora B.

Naissance d'un meurtre

Prends-le d'homme à homme et donne-moi ton revolver. Si l'autre intervient, ou s'il tire son couteau, je le descendrai.

L'étranger, Albert Camus - Chapitre VI

Le point de vue de l’Arabe

 

          J’ai marché longtemps jusqu’à arriver sur la plage. Je retrouve sur place un ami. On était couchés avec des bleus de chauffe graisseux. De loin, j’aperçois le fameux Raymond, accompagné d’une autre personne, un certain Meursault je crois.

        Je les vois se rapprocher lentement, déterminés, dans notre direction. D’abord, quand j’ai vu ces deux-là, je me suis demandé ce qu’ils venaient faire ici, sur cette plage, et j’ai tout de suite compris que c’était pour échanger deux ou trois mots. J’ai aperçu Raymond chuchoter quelque chose à l’oreille de Meursault. Il a hésité à sortir une arme de sa poche. Soudain, d’un coup déterminé, il la sort de son pantalon, mais Meursault intervient et lui dit non, il n’était pas d’accord ; l'autre range son arme. J’ai vu alors, dans les yeux de Meursault, qu’ils étaient venus pour nous descendre.

         Pendant que Meursault discute avec son acolyte, j’ai imaginé ce qu’ils avaient bien pu faire avant de vouloir nous anéantir. Après qu’ils aient fini de discuter, et comme je n’avais pas osé sortir mon couteau, Raymond a donné son arme à Meursault. J’ai senti mon cœur s’arrêter, par soulagement d’être encore en vie.

         Tout alors s’est arrêté autour de nous, personne ne bougeait, tout le monde était debout à ne rien faire. Le monde était suspendu, et nous dedans.

        On s’est ensuite retirés, moi et mon ami. Meursault et Raymond sont repartis par où ils étaient venus. Quand ils furent partis, j’ai repensé à ce qui s’était passé juste avant, et je me suis dit que j’avais eu de la chance de ne pas être tué, mais ils pouvaient aussi revenir et le faire à tout moment. « Voilà un bout de temps que Raymond et Meursault sont partis », je me demandais bien pourquoi ils étaient venus jusqu’à nous, puisqu’ils ne nous avaient rien fait. Préparaient-ils un coup pour nous tuer ou voulaient-ils juste nous parler ?

         J’étais bien installé contre un rocher, les mains derrière la nuque, au soleil. Peu après j’ai entendu des bruits de pas venant de loin, je me suis retourné et j’ai remarqué que Meursault revenait. Je me préparais à sortir mon couteau, par automatisme, c’est tout. Il était seul, sans Raymond, et je voyais dans ses yeux qu’il était très fatigué, avec toute cette chaleur qui tapait sur la plage. Plus il s’approchait et plus je voyais des petites gouttes de sueur dégouliner de son front.

 

Tag(s) : #l'étranger
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