Publié par Paul

Le lieu d'une vie

Au lieu du spacieux vestibule où j'avais aimé me réfugier, il n'existait qu'un corridor. Sortie de mon lit, il n'y avait pas un coin qui fût mien.

Simone de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée (pp.129-132)

          Les travaux de rénovations étant finis, je retournai vers celle qui m’avait accueilli les premiers mois de ma vie : la vieille ferme.  Nous quittâmes la maison mitoyenne, une ancienne grange rénovée, devenu gîte pour vacanciers.

      Cette maison était petite. Dans la pièce de vie unique, salon, cuisine, salle à manger et cabinet de toilettes, se mêlaient les bruits des casseroles, de la télé comme de la douche. À l’étage en plancher de bois, il y avait trois minuscules chambres où montaient les odeurs de cuisine.

      Maintenant la vieille ferme familiale est devenue une belle et grande demeure. De quatre-en-un au rez-de-chaussée, nous voilà dans quatre pièces séparées : une cuisine « où l’on cuisine », une salle à manger « où l’on mange », un salon « où l’on invite », et une salle de bain plus soucieuse de l’intimité.

      À l’étage, à l’inverse de la petite chambre où je dormais avec les odeurs et les bruits familiers, me voilà dans une chambre silencieuse deux fois plus grande, mais encore aux relents de peintures. Sorti de mon lit, tout cet espace vide à combler m’apparaît comme infiniment nouveau.

     Je me rappelle l’émission sur France Inter que mes parents écoutaient le matin devant leur bol de thé. J’imagine Héloïse, ma sœur, devant sa tartine de roquefort, et moi j’attends que l’on vienne me réveiller…

     Je n’entends plus, désormais, les bruits de la maison depuis ma chambre, mais en bas le rituel reste inchangé. Il ne manque que ma sœur, qui est partie pour une nouvelle vie.

 

Tag(s) : #autobiographie
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