Publié par Mehdi B.
Du lendemain il ne me reste que le quai gris sombre, les atroces sifflets, maman penchée à une fenêtre du train qui s'éloigne lentement et moi courant le long du quai, hurlant, sanglotant, et l'oncle courant derrière moi pour me rattraper, me prenant par la main, me ramenant, où, je ne sais plus, probablement dans un autre train partant en sens inverse.
Dans mon enfance j'avais une amie très proche, on jouait tout le temps ensemble, que ce soit sous les pluies les plus intenses, ou la chaleur la plus étouffante, les neige les plus froides, et les vents les plus violents. On était tellement proches que les gens pensaient que nous étions frère et sœur.
Elle était assez petite pour son âge. Elle était érudite mais agissait de manière très impulsive. Je l’admirais beaucoup. Ce sont d’ailleurs nos caractères opposés qui nous ont réunis.
Malheureusement, un jour, pour des raisons familiales, elle dut quitter le village. Au moment où elle me l’apprit, je sentis plusieurs sensations se mélanger, telle que l’angoisse, la peur, la colère, et la tristesse. Je pensai pleurer mais finalement, je restai juste immobile, la bouche ouverte, totalement détruit. Elle s’en alla en pleurant tandis que moi je restai pantois, sonné, quelques minutes. Je me repris et j’essayai de la rattraper. Malheureusement la peur de ne pas savoir quoi lui dire me stoppa net.
Le lendemain je n’osai plus lui parler et je l’évitai quelque peu. Les gens pensaient qu’on s’était disputés. La situation entre elle et moi se dégrada, pas dans le sens de la haine mais dans celui de la peur et de l’angoisse.
Quelques semaine plus tard, moi et mes parents la rejoignîmes à la gare. Pendant que mes parents saluaient les siens, on était face à face, sans dire quoi que ce soit. On évitait de croiser nos regards, peut-être parce que je n’osais plus jouer avec elle les dernière semaines. Au moment où elle dut partir, elle me dit au revoir. Je levai les yeux et je remarquai des gouttes d’eau tomber à ce moment-là. Je me dis que j’étais bien pitoyable. J’évitai de lui parler pour ne pas me blesser davantage, et dans mon orgueil je pensai aussi que je ne la blesserais pas en gardant le silence. C’est ce que je fis pourtant en lui assénant un grand coup psychologiquement. En effet, dans ma tristesse, je pensais uniquement à moi.
Je me précipitai vers elle en criant « désolé ! » de la manière la plus triste et pitoyable. Elle se retourna, et je lui dis : « S’il te plaît, reviens jouer ». Un sourire accompagnait mes larmes. À son tour elle me sourit, et elle s’en alla avec le train. De retour chez moi, je pleurai à nouveau toute les larmes de mon corps.
Longtemps après j’étais si triste que j’avais l’impression que plus rien n’avait de couleur. Je pensais que tout était froid, que ma chaleur avait disparu, plus rien ne me rendait joyeux. Je fus pris d’une immense tristesse et de beaucoup de regrets. Je me rendis compte que ce jour-là, ce n’était pas ma meilleure amie que j’avais perdue mais le rayon qui me faisait vivre. Pendant des jours, des semaines, des mois, des années, je l’ai attendue en espérant qu’un été, au moment où Hélios serait haut dans le ciel, elle apparaîtrait en me disant avec un grand sourire : « Jouons ensemble ».