Publié par Yaël
Hier, j’ai pelé une pêche : pourquoi pas cette prune ? Pourquoi quitter mes jeux juste à cette minute ? Partout je rencontrais des contraintes, nulle part la nécessité.
Depuis toujours, ma famille et les amis de mes parents m’associent aux mêmes adjectifs : « gentil, calme » et « sympa ». Même si ces mots sont simples, c’est bien ce que je pense de moi, aussi, donc je les remerciais avec un grand sourire, qui soulignait encore plus ces adjectifs, « gentil » et « sympa ».
En dehors de ces personnes qui me connaissent plus ou moins, mes amis à l’école, qui me voyaient cinq jours sur sept, étaient pour moi une source de bonheur telle, qu’une fois sorti de l’école, un vide s’installait. Je me disais que je ferais tout pour les aider, quitte à ce qu’il m’arrive des ennuis. C’est donc ce que je fis.
Je me souviens d’une période où justement un ami, qui s’appelait Mathéo, se faisait harceler par des garçons qui avaient quelques années de plus que nous. Ils n’arrêtaient pas de l’insulter, de le bousculer. À chaque fois que ça arrivait, et que je voyais la scène, je ne pouvais pas m’en empêcher, c’était comme un automatisme, mes jambes avançaient d’elles-mêmes, et mon cerveau me disait : « Tu sais qu’ils sont plusieurs, ils sont plus grands et plus forts que toi, alors pourquoi tu y vas ? » Cette question se posa plusieurs fois, et toujours cette même réponse : « Si tu le laisses seul, alors que tu vois ce qu’ils lui font, c’est que tu n’es pas son ami. »
Une logique pas si mauvaise, mais pas au point ! Il aurait juste fallu avertir un surveillant ou un adulte capable de régler ça, pour que le harcèlement s’arrête, mais j’étais trop petit. Je pensais pouvoir régler ça, en sachant que s’ils décidaient de s’en prendre à moi, je ne pourrais rien faire.
J’avançai donc vers ces géants qui embêtaient Mathéo, avec cette profonde envie de leur en coller une, deux ! Une fois arrivé, je m’interposais entre eux, faisant de mon corps comme un mur de protection devant Mathéo, fronçant les sourcils avec la détermination de les faire partir. Les trois grands écervelés me regardaient en me dévisageant, d’un air étonné. L’un d’entre eux commença à faire un grand sourire, puis se mit à ricaner : « Oh, tiens ! Voilà une deuxième petite crevette qui vient aider son débile de copain ! »
Mécontent de ce que ce grand dadais avait pu dire, j’eus une pulsion : je me mis à lui crier dessus, en le traitant de tous les noms ! Surpris par ma réaction, deux d’entre eux firent quelques pas en arrière. Le troisième essaya de poser sa main sur ma tête, avec une mine totalement différente de celle d’avant, elle était plus fermée, les sourcils taillés en forme de V, et il était froid. Par peur, je le poussai plusieurs fois de toutes mes forces, mais au bout d’un moment, un de ceux qui avait reculé mit sa main sur l’épaule de son camarade, et lui fit signe qu’ils partaient, alors il les suivit.
Soulagé de n'avoir reçu aucun coup, je lâchai un grand soupir en me retournant vers Mathéo qui, avec un grand sourire, me remercia. Ce sourire et ses remerciements me gênèrent un court instant. Je lui dis que c’était normal.
Voilà un autre trait de caractère : je suis protecteur.