Publié par Jeanne
C'est dans le courant de l'été suivant que nous vîmes, un jour, ma sœur et moi, notre grand-mère pleurer... pour la première fois de notre vie.
Je me rappelle que cette année-là, je venais d’avoir quatorze ans. Cela a été mon plus bel anniversaire. À cette époque, j’habitais en Bretagne, dans une petite commune à côté de Guingamp.
Ce week-end, comme tous les week-ends, j’étais chez ma tante parce que mes parents n’étaient jamais là. Ils travaillaient beaucoup, mon père conduisait des avions et ma mère était infirmière. Je me rappelle, j’avais tout le temps hâte au week-end car je savais que j’allais voir Mélissa. Moi, la semaine, je m’ennuyais beaucoup car j’étais fille unique.
Mélissa, c’était ma cousine, elle avait vingt-trois ans. Elle était belle, gentille mais c’était une fille très introvertie. Depuis que son mari Sylvain était parti à la guerre, elle ne montrait jamais ses sentiments mais je savais qu’elle était triste. Ça me faisait de la peine de la voir comme ça, je ne la reconnaissais plus.
À l’époque où il était là, on rigolait beaucoup, les journées passaient vite, on jouait au ballon, aux jeux de société, on se baladait...
Cette année, ça allait bientôt faire trois ans qu’il était parti, mais on continuait quand même notre rituel : on se retrouvait, moi, ma tante et Mélissa, autour de la table dans l’immense véranda le samedi pour le goûter. Même si l’atmosphère était tendue, cela nous faisait du bien de nous retrouver. Ce samedi 19 août a été un jour que je n’oublierai jamais. C’était un jour joyeux, il faisait beau, il faisait chaud... Il devait être seize heures, je nous revois encore à table pour le goûter, moi j’étais émerveillée car il y avait toujours beaucoup de fruits, de gâteaux et de confitures...
Ce jour-là, quelqu’un frappa à la porte, c’était Sylvain. J’étais heureuse de le revoir, il n’avait pas beaucoup changé, mais il avait l’air très fatigué. Il était très heureux aussi de nous revoir mais ce qui m’a fait le plus plaisir ce fut de voir Mélissa sourire comme une petite fille. Elle avait le sourire jusqu’aux oreilles. C’était la première fois depuis longtemps qu’elle montrait ce qu’elle ressentait.