Publié par Juliane

La corrida

En fait, on fuit la question au lieu d'y répondre, car il ne s'agit pas de justifier les raisons pour lesquelles le Père Noël plaît aux enfant, mais bien celles qui ont poussé les adultes à l'inventer.

Nous sommes tous des cannibales, Claude Lévi-Strauss

       Cet été 2018 à Carantec, j'étais en vacances avec mes amis, et pour une fois, le soleil était présent et réchauffait les touristes. Nous profitions de la terrasse du bar, où nous trinquions à notre séjour, en écoutant « La corrida » de Francis Cabrel que jouait le juke-box.

      À la table voisine, un groupe à l'accent du sud, critiquait violemment le thème de cette chanson engagée :

- Quand j'y pense, il n'a pas honte Cabrel, ce Judas. Il critique ses propres traditions, sa propre culture ! Il n'a rien compris à la beauté artistique de la tauromachie, et joue le jeu de ses opposants !

      Alors, je n'ai pas pu me retenir :

- Bonjour, excusez-moi, mais je ne peux pas vous laisser dire une chose pareille ! Non seulement cette chanson est jolie, et je suis désolée, mais on ne peut pas soutenir des actes d'une telle cruauté !

- Ces actes que vous qualifiez de cruels, font partie de nos traditions. Les corridas ont lieu depuis des siècles, et nous nous devons de les conserver au nom de notre patrimoine. Elles n'ont pas pour but de faire souffrir les taureaux. C'est juste un magnifique spectacle, d'ailleurs le public ne vient pas pour voir souffrir l'animal...

- Mais son ancienneté ne justifie en rien sa pérennité ! Si toute pratique qui dure dans le temps est une tradition, alors la torture ou le cannibalisme en sont aussi ? Et puis, planter des piques, des épées, des poignards dans la chair d'un animal pour l'affaiblir dans un bain de sang avant qu'un saltimbanque ne le mette à mort... Est-ce du spectacle ? Est-ce digne de l'être humain ?

- Vous ne comprenez décidément rien ! Cela n'a rien à voir ! Les taureaux sont élevés pour cela, ils vivent dans de très bonnes conditions, et dîtes vous bien, que si nous n'étions pas là pour eux, la race de ces taureaux de combat s'éteindrait !

- Il serait tout à fait possible de les sauvegarder dans des réserves naturelles, comme on le fait pour des races d’ânes, plutôt que de les exploiter à mort !

- Nous n'exploitons pas nos taureaux !

- Alors vous croyez que tuer des individus qui ont eu une agréable vie, c’est acceptable?

- Oh, vous, les opposants, faîtes systématiquement de l'anthropomorphisme ! Vous défendez avec sensiblerie les taureaux, comme s'ils étaient des êtres humains…

- Vous ne pouvez pas me dire ça alors que, vous-mêmes, vénérez ces bêtes comme des dieux ! Mais en effet, on peut en avoir pitié, ce sont des mammifères sentients, capables d'éprouver de la peur, et de la douleur.

- Il n'y a que les personnes qui refusent la mort, qui critiquent la corrida ! La mort fait partie de la vie, il faut l'accepter ! Ces spectacles peuvent même aider certains à parler de la mort avec leurs enfants !

- Vous rendez-vous compte de ce que vous avancez ? Mettre à mort un individu, sous prétexte d'éduquer d'autres individus sur ce qu'est la mort ou la vie, est-ce judicieux ? ou juste ? Les adeptes feraient mieux de se rendre dans les hôpitaux pour être confrontés à la mort, si telle est leur envie. Au moins, ils ne nuiront pas à autrui ! De plus, je vous rappelle que la mise à mort ainsi que la torture animale dans les arènes est interdite dans l'essentiel des départements français, par la loi ! Allez, ça suffit, retournez dans votre région de sauvages primitifs ! Je vois que je ne pourrai pas vous faire reconnaître toute l'absurdité de vos arguments irrationnels !

       À ces mots, un grand garçon au teint mat se leva en avançant vers nous :

- Quoi t'en veux une, dis-moi ! Je vais jouer au picador dans une minute, si tu....

      Avant qu'il ait terminé sa phrase, mon ami Nicolas intervint :

- Allez, arrête, on s'en va. C'est peine perdue.

     Il avait raison, nous aurions fini par devenir grossiers, ou même peut-être à en venir aux mains. Ils n'auraient jamais voulu reconnaître leur tort. Ainsi que le disait un romancier : « Comme les hommes faibles, ils tenaient absolument à ne pas changer d'avis. »

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