Publié par Klervy et Lilian

Dans ma chambre d'hôpital, face à moi-même © Klervy & Lilian

Dans ma chambre d'hôpital, face à moi-même © Klervy & Lilian

          Mon existence a débuté le 7 mai 1979 en banlieue parisienne. J'y ai vécu une jeunesse des plus tranquilles. Comme cette époque me paraît lointaine…

Mon boulot de serveur m’a permis, des années durant, juste de rembourser mon prêt de trente ans pour mon petit appartement, au troisième étage rue Albert Dru à Sucy-en-Brie, et de vivre chichement.

Je n'aurai jamais cru avoir à payer 150 euros par jour pour me maintenir en vie… Tout ça depuis que les médecins m'ont détecté ce maudit cancer du foie, il y a deux mois. Moi qui n'ai – je pense – jamais blessé qui que ce soit.

Je repense encore à l’un de mes professeurs de troisième qui me prédisait un grand avenir, maintenant mon avenir se résume à l'heure suivante, car chaque jour est incertain. Mes journées sont rythmées par les passages des infirmiers. Elles sont de plus en plus longues et mes deux principaux compagnons sont : mon crayon et mon carnet, sur lequel j'écris en ce moment même.

J'ai bien peur que mon existence se termine ici, à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil. Ce cancer qui me ronge, a-t-il réfléchi avant de me choisir plutôt qu'un autre ? Moi pour qui l'église n'a toujours été qu'un bâtiment… Si j'avais été croyant, Dieu m'aurait-il protégé ?

En plus de me coûter un bras, les séances de chimio me touchent moralement. Je me sens m'affaiblir après chaque séance. Cette énorme fatigue qui me pèse depuis le début des traitements m'empêche de faire mon métier, autrement dit je ne pourrais plus amener les délicieux plats du cuistot aux clients, dans le petit resto Camille Osaka. Jean et Alain ne me rejoindront sûrement plus devant la piscine municipale pour notre heure de natation hebdomadaire le jeudi matin.

Les hommes de mon âge sont censés être préoccupés par le paiement des études de leurs enfants, et le remboursement des crédits à la banque. Mon sujet de préoccupation à moi c’est la maladie. Les médecins m'ont prévenu que je ne retrouverais sans doute jamais une vie normale : j'ai bien compris le message, je ne me fais pas d'idées… Si j'avais eu une femme et des enfants, je me serais battu davantage. Malheureusement, je n'ai pas cette chance. Je ne connaîtrai jamais le bonheur d'être père ou grand-père.

Une idée noire me trotte dans la tête depuis quelques semaines. À quoi bon rester en vie quand je sais que mes jours sont comptés ? J'aimerais quitter la Terre sans douleurs, quitte à planifier ce grand voyage moi-même. Ma vie va-t-elle finir dans mon sommeil, pendant un traitement ? En souffrant, ou sans douleurs ? Demain ou dans un an… ?

Tag(s) : #pathétique, #S3
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