Publié par Julie C.

Fleur du mal © Collection J.C.

Fleur du mal © Collection J.C.

Le mégot se consumait encore dans le cendrier. La fumée s’élevait dans un dessin grisâtre, dansant avec le léger courant d’air qui traversait la pièce sombre.

Les yeux posés sur son corps, il observait dans un long regard toutes ses courbes, de haut en bas. Chaque centimètre de sa peau luisante rendait ses yeux un peu plus brillants, faisant grandir son désir comme un brasier indomptable. Son cœur battait plus fort à chacune de ses caresses, chaque fois que ses fines mains effleuraient sa peau humide. Il dévisageait la jeune femme, comme s’il découvrait les richesses d’un trésor longuement convoité. Il l’avait maintenant devant lui, et la voulait tout entière. Il voulait sentir son cœur contre son torse, et ses lèvres chaudes contre les siennes. Il voulait caresser ses cheveux, et goûter sa langue. Leurs baisers passionnés semblaient durer des heures, dans le silence seulement rompu par le frottement des draps blancs qui enveloppait les amants.

Son regard provocateur le défiait, le déstabilisait, comme un jeu qu’il fallait gagner pour obtenir le contrôle. La tête vide, les yeux possédés, il était perdu. Sa respiration s’emballait à chacun de ses mouvements. Le parfum de sa promise le rendait fou. Celle-ci aimait à penser que son sourire le déstabilisait et ne baissa pas une fois le regard, son souffle chaud contre son cou. Il n’y avait d’autre endroit au monde où ils auraient voulu être. Ils dévoraient chaque minute qui passait. Chaque seconde était pourtant un réel supplice, de ne pouvoir être plus près encore l’un de l’autre qu’ils ne l’étaient.

La passion le submergeait et lui donnait des envies de violence. Sa main lourde entourait le cou délicat de son amante, et dans son élan, lui coupa presque le souffle. La chaleur leur montait à la tête et leur désir devenait insoutenable. Il s’empara de ses cuisses pour les ramener contre ses hanches. Ils ne cessaient de se regarder, sans un mot. Le temps sembla d’un coup s’arrêter. Ainsi, les paroles n’étaient plus d’aucune utilité, quand leurs corps collés, se mouvant lentement, exprimaient à eux seuls l’amour qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre.

Rien ne suffisait plus. La passion dépassa tout sentiment. La senteur enivrante des cendres remplissait la pièce. La résine acide encore incandescente, mêlée à la chaleur étouffante, rendait la respiration difficile, mais chaque soupir les rapprochait un peu plus de l’extase.

Le corps de l’homme dominait celui de la femme, imposant, la surplombant. Son sourire s’était effacé pour laisser place à une expression neutre, presque angoissante. Tout devenait plus intense. Il la manipulait totalement. Objet de ses plaisirs, qui ne le satisfaisaient malgré tout pas assez. L’empoignant d’une main forte, il dégagea les draps, renversant les restes des substances consumées sur le sol. Comme un animal affamé tentant d’assouvir ses envies bestiales, il se jeta au cou de sa proie.

Des baisers empoisonnés, à lui faire mal.

Le temps s’accéléra, marquant le début d’une tout autre danse.  Elle, se laissant emporter, le fixait simplement dans le blanc des yeux, devenus rouge sang. Les bras lourds et la bouche ouverte, elle ne sentait plus son corps frissonner, et tout autour d’elle semblait troublé. Le regard fuyant, elle ne comprenait plus rien, elle ne sentait plus les secondes passer, ni les minutes. La douleur emplissait maintenant peu à peu ses hanches, puis sa poitrine, avant d’arriver à sa tête. Aucun son ne sortait plus de sa bouche. Elle voulait lui dire de s’arrêter, mais rien ne se passait. Elle était comme ensorcelée. Il la maniait, suivant chacune de ses envies les plus terribles sans penser à autre chose qu’à cela. Rien ne lui suffisait, il en fallait plus. La luxure le submergeait et, se mêlant à sa passion, ne laissa plus de place à la raison. Sa respiration recommença à s’accélérer, et dans la même action rendait ses mouvements incontrôlables, animés par une sorte de folie terrifiante. Il ne s’arrêterait plus. Le doux visage de la femme étalée face à lui, impuissante, s’abîmait sous les coups lâchés par la violence de la bête. Sa proie était comme la rose légère aux pétales fins.

Elle changea, prit soudainement sa couleur, et perdit brutalement sa douceur.

Tout s’arrêta net, d’un dernier mouvement brusque.

Plus un soupir, plus un sourire.

Le lit, souillé d’essence écarlate, se taisait, comme fraîchement choqué.   

La mort avait remplacé l’amour. La satisfaction perverse lui donna un sourire troublant à la vue du macchabée démoli, baignant dans son sang. Une odeur métallique remplaça celle du pilon. Dérangeante et nauséabonde, elle alourdit subitement l’air de la pièce.

La face mutilée de la défunte la rendait méconnaissable. Ses yeux exorbités débordaient de larmes mêlées au liquide carmin qui couvrait ses pupilles. Elles coulaient lentement sur les joues encore chaudes du cadavre, dessinant de fines lignes rougeâtres sur ce qui restait de son visage.

Les yeux posés sur son corps, il observait dans un long regard toutes ses courbes, de haut en bas. Chaque centimètre de peau ensanglantée le comblait davantage. Il ne l’avait jamais tant aimée que morte, et la voir dans cet état de magnificence créa en lui un sentiment jouissif de satisfaction morbide.

Rassasié, l’homme avait assouvi ses envies. Les murs en furent témoins.

Il se retira sans un mot de plus, laissant la scène telle quelle. Sans rien toucher, il disparut. 

Tag(s) : #réaliste, #S4
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