Publié par Clara

« Dans la chambre d'agonie, comme dans la chambre de jouissance, nul ne peut entrer sans aussitôt changer de nom, et de sang. Un ange se tient sur le seuil, et ce n'est pas sans trembler que l'on devine l'ombre qui le touche au défaut de l'épaule. Aimer et mourir procèdent de la même connaissance, vont du même pas. Ce sont deux lueurs qui ne font qu'un seul feu, et sans doute est-ce pour cela que nous aimons si peu, si mal : il nous faudrait consentir à notre propre défaite. Il nous faudrait perdre et renoncer à tout, même aux gains de cette perte. Ce n’est que dans l’amour – dans la délicatesse d’une main, la lenteur d’une voix ou le tourment d’un regard – que chaque chose retrouve sa place, toute sa place, au centre périssable d’elle-même : l’éternité est la part la plus friable du corps. Ecrire emprunte de son éclat à cette double lumière. Celui qui écrit envisage toutes choses sous le soleil d’automne. »

L'Enchantement simple, Christian Bobin, p.97

© Clara

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Aimer n'est pas si simple. Quand tout devrait être joie, l'amour peut parfois mener à la colère, la jalousie, des sentiments bien trop sombres. On peut passer en un instant de l'amour à la haine car, comme on le dit, de l'amour à la haine il n'y a qu'un pas. Où l'on croit trouver le plaisir, on rencontre la peine. L'amour fou, total, celui qui n'accepte pas la demi-mesure peut se transformer en un sentiment violent. La peur de perdre l'être aimé nous fait entrevoir l'expérience du manque, nous entraîne aux portes d'un paradis perdu où l'on était si bien ensemble, où les promenades à l'aube ou au crépuscule étaient les bienvenues, où les bisous et les câlins nous faisaient rêver, là où l'on pouvait passer des heures, des jours, des semaines dans notre bulle, coupés du monde. 

Alors la douce brise de l'amour se transforme en ouragan dont il faut se protéger coûte que coûte. L'autre passe au second plan, on devient égoïste, on ne pense plus au bonheur à deux mais simplement à sa propre survie . On peut avoir l'impression de ne plus réussir à trouver quelque chose à quoi se raccrocher, comme si toutes nos émotions avaient fusionné en un tourbillon qui nous emporte sans nous laisser le temps de respirer.

Souffles de douleurs, de regrets.

Il nous faudra retrouver le trésor qui nous ôtait tout sentiment de peur, celui qui matériellement ne vaut rien mais qui émotionnellement nous fait du bien. Aimer l'autre entièrement, l'accepter tel qu'il est, sans réserve. Aimer n'est pas posséder !  Il faut laisser au loin la peur, l'angoisse et l'obscurité pour ne retenir que la douceur, la confiance et les élans du cœur. Surtout ne pas douter, ne garder que le meilleur, vivre sous un ciel clair, se laisser envahir par les papillons, ne penser qu'à l'amour qui rassemble.

 

Tag(s) : #christian bobin, #1G7
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