Publié par Seza C. & Jeanne C.
« Mais elle connaissait trop la campagne ; elle savait le bêlement des troupeaux, les laitages, les charrues. Habituée aux aspects calmes, elle se tournait, au contraire, vers les accidentés. Elle n'aimait la mer qu'à cause de ses tempêtes, et la verdure seulement lorsqu'elle était clairsemée parmi les ruines. Il fallait qu'elle pût retirer des choses une sortes de profit personnel ; et elle remettait comme inutile tout ce qui ne contribuait pas à la consommation immédiate de son cœur, étant de tempérament plus sentimental qu'artiste, cherchant de émotions et non des paysages. {...}
Pendant six mois, à quinze ans, Emma se graissa donc les mains à cette poussière des vieux cabinets de lecture. Avec Walter Scott, plus tard, elle s'éprit de choses historiques, rêva bahuts, salle des gardes et ménestrels. Elle aurait voulu vivre dans quelque vieux manoir, comme ces châtelaines au long corsage, qui, sous le trèfle des ogives, passaient leurs jours, le coude sur la pierre et le menton dans la main, à regarder venir du fond de la campagne un cavalier à plume blanche qui galope sur un cheval noir. Elle eut dans ce temps-là le culte de Marie Stuart, et des vénérations enthousiastes à l'endroit des femmes illustres ou infortunées. Jeanne d'Arc, Héloïse, Agnès Sorel, la belle Ferronnière et Clémence Isaure, pour elle, se détachaient comme des comètes sur l'immensité ténébreuse de l'histoire, où saillissaient encore çà et là, mais plus perdus dans l'ombre et sans aucun rapport entre eux, saint Louis avec son chêne, Bayard mourant, quelques férocités de Louis XI, un peu de Saint-Barthélemy, le panache du Béarnais, et toujours le souvenir des assiettes peintes où Louis XIV était vanté. »
Madame Bovary, Flaubert, 1856, Première partie, chapitre 6
Cinq heures du matin, je viens de terminer ce roman d'horreur que je mourrais d'envie de lire depuis presque un mois, et je ne suis pas déçue. Meurtres, objets volants, fantômes, cimetières, sacrifices... et mieux encore : l'histoire se passe dans un lycée, et ma rentrée dans ce même lieu est dans tout juste quelques heures.
Je salive déjà de découvrir toutes les histoires et choses paranormales de cet endroit, d'apercevoir les fantômes d'anciens professeurs arpenter les couloirs, les fenêtres s'ouvrir toutes seules, des élèves disparaître mystérieusement pour qu'on ne les revoie plus jamais. Tant de choses peuvent arriver au lycée. Et puis c'est sûr que ça ne peut qu'être plus intéressant que le collège pourri où j'étais il y a encore deux mois.
Je ne tiens plus en place, l'impatience me ronge de l'intérieur. Sachant pertinemment que je n'arriverais pas à dormir, je me lève et pars me préparer pour ce grand jour. Je ne prends que des vêtements noirs, ma couleur préférée, et qui se marient à la perfection à mes longs cheveux blancs. Même si c'est une teinture, je préfère dire aux gens que c'est naturel. Ça me rend plus mystérieuse, sombre, exactement l'effet que je recherche.
Ma toilette matinale finie, je glisse autour de mon cou un collier avec en pendentif une amulette me permettant de voir les fantômes sans le don de seconde vue. Je me rappelle encore du jour où je l'ai achetée, et où j'ai aperçu, pour la première fois, un être de l'au-delà depuis ma fenêtre. On ne m'a pas cru quand je l'ai dit, mais je m'en fiche, parce que je sais très bien ce que j'ai vu. Un homme dans la force de l'âge, sûrement un ancien meurtrier inconnu de tous, qui m'a fixé avec son regard froid et calculateur de tueur alors qu'il passait dans la rue, son apparence floue se fondant dans le décor. Rien que d'y repenser, j'en ai des frissons. Je donnerai n'importe quoi pour pouvoir discuter avec des gens comme lui, les vivants sont beaucoup trop ennuyeux à mon goût.
Je prends mon sac (noir aussi), rempli de livres sur le paranormal, y glisse un nouveau roman d'horreur à l'intérieur, puis descend dans la cuisine. Évidemment, celle-ci est vide, mes parents étant en train de dormir puisque leur réveil ne sonne qu'à 7h. Après m'être fait un petit déjeuner très rapide, avoir mis mes chaussures et mon manteau sombre, je file enfin dehors, dans la nuit. Sur le chemin vers le lycée, seuls quelques lampadaires grésillant éclairent mon chemin. Au-dessus d'eux, la lune, elle, reste cachée derrière les nuages, comme timide que le Soleil l'aperçoive.
Je marche lentement, profitant de la sensation de froid sur la peau à nue de mon visage et de mon cou, du bruit du vent se faufilant entre les maisons tel un voleur fuyant la scène de crime, ou encore de l'ambiance lourde de la solitude. J'apprécie tout ça, c'est comme si je vivais, en quelque sorte, dans une ville fantôme. Plus tard, lorsque je serai moi-même un fantôme, je pense que j'irai errer dans une ville vide, mystérieuse, hantée, ou bien un petit village au bord de mer où ne vivra qu'un petit nombre de personnes, et où j'établirai une légende sur mon fantôme. Je m'inventerai une mort lente et douloureuse, des aventures pleines de peur, de rebondissements, auxquelles tout le monde croira. J'ai hâte.
Mais en attendant, j'attends que ma vie ici se termine, car précipiter tout ça ne me laisserait pas le temps de me faire un nom dans le monde du paranormal, chez les vivants.
J'aperçois soudain une silhouette sombre de l'autre côté de la rue. Elle va à l'opposé de ma direction, et semble avancer en flottant, tant on ne voit pas les mouvements de ses jambes. L'inconnu porte une longue veste noire, capuche rabattue sur sa tête, m'empêchant de distinguer son visage, et tient dans sa main gauche un objet longiligne, plus haut que lui. Je me fige, la nature de cet individu m'apparaissant comme une révélation.
C'est la faucheuse, venant chercher quelqu'un à une heure où tout le monde dort. Si je la vois, c'est uniquement grâce au collier, et à sa remarquable capacité à me révéler les choses invisibles. La silhouette continue d'avancer en flottant, ignorant ma présence. J'hésite à la suivre, à la supplier de me prendre avec elle, de faire de moi ce que j'ai toujours souhaiter devenir, mais je me ressaisis. Elle doit être occupée, et comme je le sais, il ne sert à rien de précipiter les choses. Celles-ci viendront en temps voulu.
Remise de mes émotions, je reprends mon chemin vers le lycée. Et après environ quinze minutes de marche, me voilà arrivée devant les hautes grilles de l'établissement. Les bâtiments, hauts d'au moins quatre étages, sont vieux, délabrés, et la peinture qui les recouvre a dû être bleue autrefois, mais, désormais, elle prend une teinte grisâtre et s'écaille au coin des fenêtres sales.
Je continue mon chemin à travers le campus, vide de toute présence humaine, à l'image de la ville. Je traverse une pelouse possédant en son centre trois arbres gigantesques que j'identifie comme des châtaigniers, arbres connus pour attirer les esprits malins. Je décide donc de me tenir à l'écart d'eux, de peur que ces entités malveillantes me jouent un tour (j'en connais assez au sujet de ces êtres pour savoir qu'il ne vaut mieux pas les approcher). Le croassement des corbeaux sur mon passage me met alors mal à l'aise, et la peur stupide qu'ils se moquent de moi me tord le ventre. Ils me font penser aux corbeaux fous du livre Le manoir de Mr Roberts. Ces derniers, sous l'emprise du diable, avaient dévorer vivant un homme, ne laissant alors aucune trace de sa présence sur terre. Je suis donc rassurée lorsque j'atteins le chemin, et me retrouve loin de ces oiseaux de malheur.
Ma tête se tourne vers la droite, avide de retenir chaque centimètre carré de cet endroit, quand je décide de regarder plus attentivement l'intérieur du bâtiment que longe mon chemin. Comme tous les autres, il est ancien, et on ne voit pas grand-chose à travers ses fenêtres. Je décide d'approcher mon visage d'une des vitres opaques, et plisse les yeux, tentant d'apercevoir ce qui se trouve à l'intérieur de cet endroit intriguant.
Soudain, alors que j'allais laisser tomber, la lumière inonde la salle, me faisant reculer quelques secondes, le temps de m'accoutumer à la luminosité ambiante. J'aperçois alors la silhouette de quelqu'un pousser un chariot le long du mur du fond, pour ensuite bifurquer vers un ensemble de meubles ressemblant à des armoires métalliques. Arrivée à destination, je remarque que cet inconnu semble nerveux, car il regarde dans toutes les directions, sa tête se tournant de droite à gauche toutes les cinq secondes pour vérifier que personne ne le voit.
Il cache quelque chose.
Je le vois ouvrir la porte d'une des armoires, prendre la chose reposant précédemment sur le chariot et la déposer dans le meuble, qu'il referme à clé en vitesse, pour ensuite recommencer à regarder tout autour de lui.
Il ne m'a pas remarquée, sûrement à cause du fait qu'il fait quasiment nuit, là dehors, et repart donc d'un pas pressé vers l'endroit d'où il venait. Et parvenu à la porte, il appuie sur l'interrupteur, replongeant la salle dans le noir, et me laissant alors seule avec mes interrogations.
Que vient-il d'arriver ? Qui était cette personne ? Qu’il y avait-il sur le chariot ?
Les questions se bousculent dans ma tête, trop nombreuses pour que je puisse réellement faire le tri entre elles. Tout ce que je sais, c'est que j'adore déjà cet endroit, et que c'est exactement le genre d'émotions que je recherche, celles qu'on ressent en lisant ces livres de paranormal et d'horreur. Je me délecte du frisson que m'a donné ce moment, la sensation de peur de se faire repérer, les questions qui viennent ensuite, l'envie d'avoir des réponses.
Je me décide enfin à repartir dans mon exploration du campus, le sourire aux lèvres.
Cette année de seconde commence vraiment bien.
Ça y est, après deux semaines ici, je connais déjà le lycée comme ma poche.
Tous les bâtiments délabrés que j'avais aperçus à mon arrivée, les planques sympas pour lire, où se trouve le CDI ou encore le gymnase. En bref, le campus en général.
Je sais maintenant que la salle de « l'homme au chariot » n'est autre que le self du lycée, dans lequel je vais manger tous les midis. Et à chaque fois que j'y vais, je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée pour ma vision du premier jour, et je ressens à chaque fois cette envie de traverser la salle, ouvrir l'armoire (par n'importe quel moyen), et découvrir quelle était cette chose. Mais je reviens vite à la réalité, et retiens mes pulsions de détective en paranormal avant de me faire renvoyer.
En attendant, un autre événement plutôt intriguant était en train de se passer dans le lycée : les disparitions mystérieuses de dizaines d'élèves.
Bien sûr, le directeur et le personnel de l'établissement avaient tenté d'étouffer toute cette affaire en utilisant l'excuse d'une prétendue épidémie de je ne sais quelle maladie, sauf que moi, je connais la vérité : tous ces élèves sont morts !
Comment ? Eh bien par la faute des esprits démoniaques. Il faut croire que ces grands châtaigniers attirent finalement bien plus de ces être malveillants que ce que je pensais, car il y a des signes de possession qui ne trompent pas chez la plupart des profs. La peau pâle, presque blanche, avec parfois des bleus sur les bras, etc... Ils laissent les salles de cours dans le froid, refusant d'allumer le chauffage, j'en ai même surpris certains en train de parler tout seuls, ou plutôt, d'avoir une discussion avec d'autres esprits.
Toute cette situation est quasiment identique à celle du village texan de Texline, où les habitants se font petit à petit tous posséder par ces êtres malveillants, ce qui les pousse à s'entre-tuer et faire du lieu une ville fantôme. J'en ressens presque les mêmes frissons que durant ma lecture du roman de paranormal. En tout cas, ma lecture m'aidera bien pour cette affaire, vu toutes les connaissances qu'elle m'apporte au niveau des possessions.
Me voilà d'ailleurs en cours avec l'un des possédés : Mr Michel, mon professeur de français. Depuis ma place au 3ème rang, je peux presque voir ses pieds flotter de temps en temps au-dessus du sol, et ses yeux devenir, l'espace d'une demi-seconde, noirs. Il a décidé de nous faire cours sur le livre de « Madame Bovary », livre ne m'intéressant que pour sa fin, le suicide de la protagoniste. C'est le seul moment étant un tant soit peu digne d'intérêt, le reste n'étant, à mon goût, que gnangnan et pathétique.
Tous les livres que l'école m'a forcée à lire sont comme ça, sans aucun intérêt. C'est sûrement à cause de ça que j'ai failli redoubler l'année dernière, puisque les cours n'ont aucun intérêt pour moi, tout comme ces livres. Aucun d'entre eux ne m'apprendra comment appeler les morts, de quelle façon passer dans l'autre monde comme bon me semble, ou encore à capturer des esprits.
Quand je pense que j'ai failli rester encore une année de plus là-bas, dans cette ville pourrie, avec son collège pourri, et ses gens pourris (même si sur ce point ça n'a pas vraiment évolué). Je peux remercier mes grands-parents décédés, sans eux, je n'aurais pas pu convaincre mes parents de déménager dans leur ancienne maison, et par le même coup, de me faire entrer au lycée. C'était comme un signe du destin, il fallait que je vienne vivre dans cette maison, celle où tout a commencé. Car c'est ici, dans ce grenier, que j'ai commencé à lire des romans de paranormal appartenant jadis à mon père. Dès que j'ai fini le premier, je ne pouvais déjà plus m'arrêter, et en un été, j'ai lu absolument tous les livres sur le sujet à ma portée.
C'était comme une révélation.
Après cet été-là, il y a deux ans, tout a changé dans ma vie. J'ai troqué mes vêtements aux couleurs fades pour des noirs et blancs, mes cheveux bruns pour du blanc, mes étagères vides pour les remplir de livres d'horreur. Et j'ai accessoirement complètement délaissé mes stupides études. Si je suis au lycée, c'est uniquement pour ce qui peut s'y dérouler, et rien d'autre. Je suis d'ailleurs très satisfaite d'y être allé, puisque j'ai presque l'impression d'être actuellement l'héroïne d'un de mes romans. Reste à savoir si mon histoire sera un jour retranscrite et lue.
- Mademoiselle Le Marchand, voudrais-tu bien revenir sur terre, au moins le temps de mon cours ? Je trouverais vraiment dommage de devoir te faire un rapport d'incident ou de t'envoyer chez le proviseur deux semaines après la rentrée.
Je me redresse sur ma chaise, ignorant les regards de mes camarades, et encore plus celui de Mr Michel. Si je croise son regard, qui sait ce qu'il peut m'arriver, vu son statut de possédé. Il pourrait peut-être choisir de faire de moi sa prochaine victime, chose qui n'est pas dans mes projets pour l'instant.
- Bien, maintenant nous pouvons reprendre le cours, lança le prof, un air satisfait sur le visage. Comme je disais, Emma Bovary est possédée par le désir de...
Environ une quarantaine de minutes plus tard, j'en avais enfin fini avec ce cours de français. Tous les élèves étaient en train de se dépêcher de sortir, de fourrer le plus vite possible leurs affaires dans leurs sacs et d'enfiler leurs manteaux, mais de mon côté, je pris mon temps. J'avais bien réfléchi à ce que j'allais faire. Car il fallait que j'agisse, que je fasse éclater la vérité. Mais avant, je devais être sûre de ce que j'allais avancer, et pour ça, il allait falloir faire face à l'un des tueurs.
Aussi, lorsque tous furent sortis, je pris mes affaires, et me dirigeai vers le bureau du professeur. Ce dernier ne me remarqua que lorsque je fus juste devant lui, et leva ses yeux vers moi, se demandant sûrement pourquoi un élève resterait lui poser des questions alors qu'il y avait la récréation.
- Oui ? commença-t-il.
- Je sais ce que vous êtes, lançais-je tout en tentant de mettre une sorte de menace dans ma voix.
Mr Michel leva les yeux au ciel, et me répondit :
- Bien sûr… maintenant veux-tu bien me laisser ? Je dois m'occuper des autres élèves. Ils attendent leur tour, donc si tu veux bien sortir…
Et sur un geste dédaigneux de la main, il retourna à ses copies, m'ignorant superbement. Je fis donc ce qu'il venait de m'ordonner, et partis, mon cerveau tournant à plein régime.
Il venait d'avouer, comme s'il pensait que le fait que je connaisse sa vraie nature n'avait aucune importance. Comme si je ne représentais aucune menace pour lui et ses crimes.
Il va voir, me dis-je en traversant la cours pour rejoindre le self. Et il se mordra les doigts de m'avoir sous-estimée de la sorte !
Pourquoi ? Et bien parce que je connais l'endroit où sont tués et entassés les corps des victimes. Un endroit où, tous les midis, il y a beaucoup trop de bruit pour que quelqu'un entende les cris de douleurs des élèves séquestrés, sauf moi : les sous-sols du self !
Je termine de remplir mon sac à dos avec une croix en bois, puis file dans ma salle de bain chercher un élastique pour mes cheveux.
Après avoir longuement réfléchi, j'ai décidé d'aller voir de mes propres yeux si ma théorie de la cave est la bonne, en m'introduisant de nuit dans le lycée. Je sais que je risque l'exclusion si jamais on me trouve, mais j'ai besoin de réponses, et vivre une aventure comme celle-là, comme dans les livres, vaut toutes les exclusions du monde.
Je me suis donc préparée physiquement, en prenant les affaires nécessaires, mais aussi mentalement, relisant le plus de livres sur le sujet possible, et apprenant par cœur les formules visant à éloigner les esprits malins. Je suis donc plus que prête pour cette expédition.
Je termine mes préparatifs en enfilant mon manteau, et troque mes chaussures noires habituelles pour une paire de tennis (qui est toujours noire évidemment), avec laquelle il sera plus facile de m'enfuir dans le cas d'une confrontation avec un fantôme.
J'entrouvre ma fenêtre, située au rez-de-chaussée, et saute dehors, dans la nuit. J'attends d'avoir dépassé le portail séparant le jardin de la rue pour allumer ma lampe torche, afin que mes parents ne me voient pas, puis prends le chemin du lycée, le pas pressé, comme l'était celui de « l'homme au chariot ».
Le trajet passe beaucoup plus vite que d'habitude, et je me retrouve devant les grilles du lycée avant même d'avoir pu dire ouf. Ayant fait du repérage au préalable, je sais à quel endroit de la grille je peux monter sans me faire mal. Cet obstacle passé, je traverse avec prudence le campus plongé dans un silence absolu, et arrive à côté du self. D'ici, je descends des escaliers longeant le bâtiment, et qui me semblent mener à la cave. Sauf qu'arrivée en bas, comme je m'y attendais, la porte est fermée à clé, et malgré mes tentatives pour crocheter la serrure (je me suis également préparée à ça), je n'arrive toujours pas à débloquer l'entrée.
Je me résigne, et passe au plan B, qui est de trouver une autre entrée. Et pour ça, j'ai déjà ma petite idée, qui est de chercher juste au-dessus de la scène de crime, soit dans le self.
Toujours grâce à mon repérage, je connais à peu près chaque entrée du bâtiment, et après trois tentatives de crochetages de serrure infructueuses, je réussi enfin à ouvrir une porte donnant sur les cuisines du self.
Je rentre sans un bruit, refermant doucement la porte derrière moi, puis m'avance dans le noir, la boule au ventre, les sentiments de peur et de joie se mélangeant en moi. J'attends en silence de repérer un quelconque bruit suspect, et comme rien n'arrive, je m'autorise à allumer ma lampe et à chercher une entrée.
Une vingtaine de minutes de recherches plus tard, toujours rien. Je commence à me dire qu'il n'y a pas d'autre entrée vers les sous-sols, mais me ressaisis. Le self est grand, il y a forcément une autre issue. Prenant alors une longue inspiration, j'éteins ma lampe torche, et pousse la porte menant à la grande salle.
Cette dernière est éclairée par un seul panneau de sortie de secours sur le mur juste devant moi, tandis que l'endroit que je rêve d'aller fouiller depuis le premier jour se trouve, lui, tout au fond à droite de la pièce : l'armoire métallique.
Faisant fi de toute prudence, je m'avance, comme hypnotisée, vers les réponses à mes questions, la vérité sur un mystère encore irrésolu pour moi, et peut-être vers de nouvelles questions. Qu'y a-t-il à l'intérieur ? Des restes des victimes de l'année dernière, ou bien d'autres venant d'ailleurs ? La possibilité que ça soit tout autre chose m'est impossible à accepter, cet homme était beaucoup trop louche pour que ça soit juste un cageot de pommes de terre, ou même juste de la viande crue. Je ne peux pas me faire à cette idée-là.
J'arrive devant le meuble, et baisse la poignée de porte. Bizarrement, la porte n'est pas fermée à clé. J'imagine que tous les gens travaillant ici sont dans le coup, tous possédés par un esprit malveillant.
Je découvre alors l'intérieur de l'armoire, qui est... vide.
Plus rien.
Je reste figée, ne m'attendant pas à un résultat aussi décevant. C'est comme si je lisais un roman, et qu'au final, tout était faux. Je détestais ce genre de livres, ce sont les pires.
Soudain, la porte s'ouvre, et un homme rentre dans la salle. Je le repère tout de suite : l'homme au chariot. Celui-ci crie alors :
-J 'ai appelé la pol...
BONG !
Je viens tout juste de balancer ma lampe torche sur lui, et cette dernière a atteint son crâne, faisant tomber l'inconnu à terre, sonné.
Ni une, ni deux, je fonce vers la porte qu'il vient d'ouvrir, et me dirige le plus vite possible vers le morceau de grillage que je peux escalader. Malgré la prise, je suis envahie par la panique, et tombe de l'autre côté de la rue après avoir passé le haut du grillage. Ma tête cogne brusquement sur le trottoir, puis, comme la rue, le self et le ciel, je suis plongée dans le noir, envahie par le vide.