Publié par Thimothé

      C'est un matin de printemps et je marche aux côtés de l'amoureuse sur un chemin de campagne. C'est une histoire sans histoires, elle se passe il y a longtemps déjà, bien qu'aujourd'hui ce soit à nouveau un matin de printemps, le même sans doute par-delà l'illusion de l'âge et des années. L'amoureuse est insaisissable comme toutes les amoureuses du monde. Elle cueille par brassées des fleurs de lumière, elle me les offre puis les reprend, lumineuse et rafraîchie par un désespoir, embellie par un rire, imprévisible et vagabonde comme tous les printemps du monde.

Christian Bobin, L'Enchantement simple (1986)

Soleil du matin © Timothé

 

        Les étoiles se cachent, le jour s'y lève. Le jour s'y lève venu d'une lointaine aurore fabuleuse. Le bourgeon éclot, la rosée goutte. La rosée d’un matin. La rosée sur une nature écarlate rajeunit et rit de nouveau. Le coloré. Dans les chemins de campagne, l’humidité est à son comble. L’hiver pleure. Pleure sa destruction passée. Voir, entendre, aimer le printemps est un cadeau au matin d’un éveil. Pommiers, cerisiers, pêchers, tous préparent la livraison d’été. La lumière réchauffe le paysage après une saison rafraîchie. Cette même entité lumineuse traverse les rideaux de ma chambre. Ce n'est plus le vent qui me réveille. Je me lève, dans la fenêtre face à moi, le soleil chasse mon ombre loin devant moi. L’ombre des moineaux. Mon corps encore assoupi n’en croit pas ses oreilles. Le sifflement des oiseaux chante jusqu'à moi. Ce chant est doux. Douce mélodie du printemps. Rien n'empêche sa venue, ni celle des hirondelles. Le matin, elles virevoltent dans le ciel, semant le bonheur de leur retour.

Je marche, me balade, le long d'un ruisseau encore froid. L'air frais, avec lequel les papillons planent, me rentre dans les narines. Cette campagne calme. Me renvoie le bruit des cailloux lorsque je marche dessus. La coloration de la faune sauvage m'ouvre les yeux. M’éblouit. Insectes et animaux. Eux aussi se déneigent. Aux lueurs du matin on peut les apercevoir. Biches, renards, tous les animaux, tous, reprennent leur vie d'avant. Les mûres nous piquent de leur goût sucré. Les fleurs dégivrent et leurs légères feuilles vertes flottent dans une légère brume épaisse. On respire en les touchant le parfum qu’elles projettent. Je marche un kilomètre ou deux.

À mon retour. Retour de cette balade. Le chocolat est chaud, l'odeur des croissants me réchauffe les joues.

Chaque matin est une surprise, durant trois mois c’est un bonheur retrouvé. Je m'assois et contemple ce paysage de printemps. Rien de mieux que le matin. Plus besoin d'une tasse de thé pour s'idéaliser. Cette saison est l'inspiration.

 

Tag(s) : #christian bobin, #1G2
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