Publié par Guillaume S.

L'idéaliste et les opportunistes

— Comment ! c’est le plus charmant des rois, et il faut boire à sa santé. — Oh ! très-volontiers, messieurs. » Et il boit. « C’en est assez, lui dit-on, vous voilà l’appui, le soutien, le défenseur, le héros des Bulgares ; votre fortune est faite, et votre gloire est assurée. On lui met sur-le-champ les fers aux pieds, et on le mène au régiment.

Candide (1759), de Voltaire (chapitre 2)

        Koft ofSot vient d’avoir tout juste dix-huit ans, et commence déjà à se préparer à l’élection présidentielle. Pour qui voter ? « Car entre ceux qui gèrent le pays comme un cirque, et ceux qui s’en mettent plein les poches, le choix est plutôt simple il faut voter pour le meilleur ! », dit Cabeza di Vicier. Cabeza di Vicier est un jeune politicien plein de bon sens et d’amour pour les bonnes choses, selon son propre avis. Koft ofSot le voit comme une figure paternelle avec ses idées révolutionnaires, qui n’ont jamais été inventées par les personnes les plus « morales » de l’Histoire, et qui ont abouti à quelques millions de morts, comme aux plus grandes catastrophes qu’a connues l’humanité. Koft ofSot, dans sa plus grande fierté, devient un des membres les plus actifs du parti de Cabeza di Vicier. Koft ofSot pense comme lui, agit comme lui, parle comme lui et le suit dans la confiance et l’innocence les plus totales.

     Koft ofSot déclare : « Il est le sauveur, notre guide, comment peut-on ne pas confier son destin à un homme qui promet d’augmenter les libertés individuelles, en baissant les libertés collectives ? Il promet de bannir les impôts, et d’augmenter les salaires, ainsi que les pensions de retraite, tout en multipliant par deux le budget des services publics, et de la Défense Nationale ! Il affirme son désir d’intégrer les immigrés, de promouvoir l’accueil des étrangers, tout en mettant en place une politique de Sécurité Nationale de contrôles renforcés, et de fermeture de nos frontières aux non-résidents ! » C’est l’enthousiasme. Koft ofSot dit aussi combien cet homme est honnête et brave, en racontant toujours comment il a redressé son entreprise de la faillite, après avoir sauvé tous ses employés du chômage, bien que malheureusement aucun employé ne soit trouvable pour confirmer la chose.

     Un beau jour de printemps, une polémique fait rage : Cabeza di Vicier s’est fait plaisir avec son entreprise. La polémique est que ce brave et honnête homme a monté une entreprise qui vend du bonheur à ceux qui le souhaitent, mais c’est une société fantôme, et tous les membres ont des emplois fictifs, ce qui permet à Cabeza di Vicier de détourner de l’argent. Cabeza di Vicier crie que c’est un complot illuminati-reptilien-franc-maçon, que cette entreprise, dont il avait pourtant fait l’éloge, n’a jamais existé ! Koft ofSot, sans se poser de question, est le premier à suivre son idole et hurle de concert, pour le défendre, en énonçant exactement la même chose. Cabeza di Vicier croule bientôt sous les multiples procès et arrête, malheureusement pour Koft ofSot, la politique. Koft ofSot s’évertue alors à dénoncer la cabale contre son mentor, il répète à l’envi que son maître à penser avait de l’avenir mais que ce complot l’a tué, assassiné : « C’est un coup monté qui déshonore tout entière notre démocratie ! »

     Néanmoins, Koft ofSot trouve bien vite consolation pour ses idéaux – mous, flous, mais très beaux ! – dans une attirance nouvelle pour le parti politique adverse, qui avait prétendument, mais injustement, dénoncé Cabeza di Vicier à la justice.

     Koft ofSot commence alors à croire en son nouveau champion de candidat – en oubliant vite son ancien prophète –, sans jamais, bien sûr, se poser aucune question.

 

Tag(s) : #candide, #satirique
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