Publié par Eva

Rouge sanguin, bleu froid © Eva C.

Rouge sanguin, bleu froid © Eva C.

          De chaudes larmes coulaient le long des joues roses de Mia, alors qu’elle se recroquevillait sur elle-même, posant ses pieds sur la cuvette. Le bleu électrique de son vernis s’écaillait et prenait la couleur rougeâtre du sang séché qu’elle essayait désespérément d’effacer du denim de son pantalon. Alors que la sueur mouillait son front, ses ongles frottaient avec frénésie le tissu depuis plusieurs minutes, mais la tache s’imprégnait plus profondément encore dans le jean. Cachée dans la peur, son petit corps frêle tremblait comme une feuille.

Mia déposa un regard affligé sur la tache importante au fond de sa culotte. Les caillots de sang noir et le liquide écarlate formaient une flaque d’un rouge pourpre épais très sombre, qu’il allait être impossible pour Mia de faire disparaître. Elle posa ses mains sur ses cuisses glaciales et frissonnantes, maculées çà et là de tachetures de sang, pour essayer de réchauffer ses jambes nues. Les gouttes de pluie frappaient les fenêtres des toilettes, créant un vacarme par-dessus les cris des collégiens qui s’agglutinaient dans les couloirs. Le tout fut bientôt suivi de l’entêtante sonnerie du collège, qui retentit dans les oreilles de Mia, comme la foudre lors d’une paisible nuit.

        Mia se réfugia dans ses propres bras, les doigts ensanglantés et les yeux gonflés, laissant inerte et inutile son pantalon qui gisait sur le carrelage humide. La douleur sous son nombril devenait de plus en plus envahissante, et presser le bout de ses petits doigts contre son ventre ne suffirait bientôt plus. Son regard se vidait, et ses battements de cœur s’accéléraient au rythme des bruits de pas des collégiens, qui se ruaient vers leurs salles de classe. L’espoir s’échappait lentement, une profonde détresse l’accabla.

Soudain une porte voisine s'ouvrit, provoquant un lourd grincement dans les toilettes.

       Toutes les pensées de Mia se bousculèrent brusquement. Elle tenta de retenir ses larmes et sa respiration. Son visage angélique se décomposa, devenant pâle comme un linge. Et si on l’avait entendue ? Et si on la retrouvait ainsi, affolée, les ongles noircis ? Puis, avant même de pouvoir retrouver son calme, quelqu'un frappa à la porte de la cabine où elle s’était réfugiée. Tétanisée par la peur, elle posa ses mains sur ses yeux embués de grosses larmes. Sa bouche était comme cousue, close, et aucun son ne put en sortir. Personne ne dit un mot, jusqu’à ce qu’une douce voix, derrière la porte, vint défaire le silence pesant :

Je t'ai entendue pleurer… J’espère que ça ira.

Les cliquetis des talons qui signalaient la présence d’une jeune fille s’éloignèrent. La porte des toilettes claqua. Plus aucun son. Plus rien, hormis le bruit du souffle chaud de Mia, qu’elle essayait tant bien que mal de contrôler. Elle découvrit du coin de l’œil, un petit sachet vert sous la porte. C’était une protection menstruelle, que l’inconnue avait déposée pour Mia.

Tag(s) : #réaliste, #S4
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