Publié par Nathan

« Tu n’habites pas ces pièces, je ne pourrais dire cela, je ne suis pas hanté de toi, je n’ai plus, maintenant, que rarement l’hallucination nocturne de ta voix, je ne te surprends pas en ouvrant la porte, ni les yeux.

Cela qui m’occupe, entièrement, et me détourne du dehors, de m’éloigner, de quitter les chambres, les mouvements de soleil, c’est l’espace, l’espace seul, tel que tu l’avais empli d’images, de tes images, de tes étoffes, de ton odeur, de ta sombre chaleur, de ton corps.

Disparaissant, tu n’as pas été mise ailleurs, tu t’es diluée dans ce minime espace, tu t’es enfouie dans ce minime espace, il t’a absorbée. »

Quelque chose noir (1986), Jacques Roubaud

© N.L.

© N.L.

Tout commence cette nuit, tu pars sans un regard, pour celui qui fut et restera ton mari, dans cette aberration, la nuit qui a déjà débuté s’offrira au fil des mois quelques teintes, parfois sombres, parfois pâles, et d’autre fois rien, simplement rien.

 

Cela ne peut être que faux, c’est là, la conclusion d’un homme, bien piètre homme vous dirais-je, juste bon à penser, ta mort n’était que la suite logique des choses, pas vrai ? Pour chaque instant de joie, je devais en recevoir cent, cent autres de peine, mais s’il fallait le refaire, c’est sans hésitation que, pour te revoir, je donnerais de mon âme.

 

Mais bon, ça c'était au début, voilà le moment de ton enterrement à présent, les proches, les amis, la famille, ils attendent quelque chose de moi, mais rien, je ne ressens plus grand chose, pas que je ne t’ai pas aimée, loin de là, juste que je me suis égaré.

 

Bientôt une centaine d’année que tu t’es évanouie, je suis bloqué dans ces pièces où, à moitié présent, j'observe tes vestiges, images résiduelles de toi, il n’y a plus d’avant, ni d'après, plus d'instant présent, seulement moi perdu, dans les dérives de mon toi-imaginaire.

 

L'écriture, c’est en elle, que je me décharge de toi, que je me comprends, bien que le faire me soit de plus en plus difficile, je crains de t’oublier, comme de ne pas le faire. Il est temps pour moi d'avancer.

 

 Ce matin, les lueurs du soleil ont brièvement traversé la fenêtre, à travers elle j'entraperçois des gamins courant sans but, mais joyeux, et je me rappelle ma vie d’avant, celle où un rien faisait tout, celle où la vie n’avait pas besoin de but.

 

C’est pourquoi je n’oublierai pas, bien que ton image soit de moins en moins nette avec le temps, je n'oublierai jamais ce que j’ai ressenti avant, pendant, ni après.

 

De toi, de tes souvenirs, je créerai des ouvrages qui seront les vestiges intemporels de notre amour.

 

Fin. 

 

Tag(s) : #jacques roubaud, #1G7
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