Publié par Camille Lp

« En attendant que l'aube se déride, éclate, devienne blanche et poudrée d'or, que ce reflet précise, limite aux angles raides, aux lignes droites et même aux feuilles frissonnantes, aux arbres qui tremble encore de froid.

        le jour

        on se cache

        la longue main gantée de la nuit

        nous pousse et nous relâche

        Nous roulons à travers les ravins

        les nids des précipices

        les gravats des anciennes journées.

        Vers cet édifice mal construit où ne s'ouvre même pas une chambre numérotée, alignée, immobile au bout du sentier qui étouffe le pas, bordé de lumière et de cuivre.

        En attendant que nous soyons tous dans la même blancheur et sans nos signes distinctifs, et nos insignes avec cette seule flamme qui se rallume, cette courte flamme qui s'élève et que nous ne poursuivons pas.

        L'aube éclatante de soleil et de poussière. »

« Chute »,

 dans Flaques de verre (1929),

Pierre Reverdy

La nuit froide © C.L

La nuit froide © C.L

 

On doit l’attendre, elle craint les rayons ardents.

        Enfin, elle se fait charbonneuse, ses paillettes éclairent notre chemin vers la forêt.

        Elle nous enveloppe et chasse nos pensées bruyantes. Sa main froide nous tire plus loin à travers les bois sombres.

        On entend le silence de nos pas sur la neige. Les arbres cotonneux nous regardent et soupirent. Leurs longues branches nous caressent - sans leurs feuilles, elles ont froid.

        Deux émeraudes brillent. Un chat attend. On le suit à travers les ombres dansantes des géants alourdis. La queue du félin est un métronome, elle nous berce tandis que la nuit nous aspire.

 

        À la lisière du sommeil,

        nos ailes se déploient,

        plongeant vers le halo

        irisé de la lune.

 

        Mais déjà le rêve choisit une autre route. Nos plumes tombent en cendres. Il arrive. Nous chutons, entraînés par le poids de nos vies, abandonnant ici les délices de la nuit.

        Quand on relève la tête, on la voit disparaître derrière une montagne. Elle, qui nous apportait paix et quiétude, se sauve.

        Un point rouge à l’horizon annonce l’aube enflammée à l'éclat infernal. Bientôt les lames incandescentes nous brûleront vifs et les cris désolés reviendront.

        Il nous faudra fuir.

Encore.

 

Tag(s) : #pierre reverdy, #1G7
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :