Publié par Anne

       « Un jour, il se passe quelque chose. Hélène rentre à l'école. C'est la première fois. Il m'arrive de l'accompagner. Elle me tient la main. Dehors des tables, des dessins, d'autres bruits. Je la vois s'avancer, seule, au milieu de la cour. La couleur de ses yeux est changeante, docile. Son visage suit le mouvement des nuages. L'inertie n'est qu'apparente. Une tension constante rassemble toutes les forces du corps, comme dans l'attente d'une lutte. Mais cela est déjà trop dire : la petite fille en robe grise, son goûter à la main. Elle est perdue, elle est souveraine. »

        « Celle-ci : le visage d'Hélène dans la tourmente d'un chagrin, le malheur inconsolable. La solitude d'un enfant, si on voulait la voir, on aurait peur. Ou bien encore : le silence où de simples mots, parfois, vous enferment. Un rien vous blesse et je vous hais, dans ces instants, pour le mal que je vous inflige. Comment vous rejoindre quand tout vous persuade du sacre de l'échec, du désespoir éblouissant ? »

L'enchantement simple, Christian Bobin, (p.40-45)

 

La balançoire de la jeune fille

La balançoire de la jeune fille

       Jeune fille de la campagne. Enfant gentille et rêveuse. Toujours souriante, rayonnante. Une âme innocente.  Te souviens-tu ? Le temps où tu courais dans les champs de tournesols. Tu rêvais d’attraper un papillon. Tu me disais que quelquefois, tu t’imaginais en train de voler avec ces êtres de couleurs. Fille de la nature. Quand il pleuvait, tu regardais la pluie avec tellement d’admiration et d’attention. Curiosité. Chez grand-mère. Tu passais tes après-midis sur la balançoire. Celle que grand-père t’avait façonnée de ses propres mains. Il en était fier. Tu l’aimais tellement cette balançoire. Tu riais. Tu riais tellement, jeune fille. Cette douce mélodie. Un air si paisible.  

        Cependant. Depuis ce jour, rien n’est plus pareil. Depuis ce jour où tu es partie étudier en ville. Ce jour, je m’en rappellerai toute ma vie. Tu es partie le jour de la rentrée, pleine de fierté. Maman t’avait acheté un beau sac à dos. Tu étais si belle. Tu nous as dit au revoir et as fermé la porte derrière toi. Ce fut la dernière fois que je vis cette petite fille. Cette petite fille rayonnante, douce, rêveuse, curieuse est partie au moment où tu as fermé la porte. La confiance qui régnait en toi a disparue. À la place une jeune fille distante, froide, réservée est apparue. Ce sourire qui brillait autant que le soleil se fait rare. Comme pendant un jour de pluie. Gris. Cependant, quand on a la chance de le voir pointer le bout de son nez, il n’est pas sincère. Inexpressif. Cette douce mélodie qui nous berçait les oreilles ne se fait plus entendre. Vide. Tu restes seule. Solitude. Tu ne vas plus dans les champs de tournesols. Tu ne vas plus sur la balançoire. Tu ne regardes plus la pluie. Tard le soir. Je t’entends. Tu pleures. Souffrance. Je ne sais pas comment te consoler. Comment te dire que tout ira bien ? Ce cœur d'enfant qui était en toi était si fragile, si précieux. Il a été brisé en mille morceaux. 

Pourquoi ? Que s’est-il passé ? vous demandez-vous. Les aléas de la vie sont arrivés. Les obstacles à surmonter, les problèmes à résoudre. Ils arrivent comme la foudre qui frappe un arbre. Imprévisible. Les plus émotifs sont touchés. Certains s’en sortent, d’autres y restent bloqués à jamais. Mélancolie cruelle.  

Tag(s) : #christian bobin, #1G7
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