Publié par Nolan et Kiéran

« — Il ne fallait peut-être pas se désespérer, pensa-t-il.

        En effet, elle regarda tout autour d’elle, lentement, comme quelqu’un qui se réveille d’un songe ; puis, d’une voix distincte, elle demanda son miroir, et elle resta penchée dessus quelque temps, jusqu’au moment où de grosses larmes lui découlèrent des yeux. Alors elle se renversa la tête en poussant un soupir et retomba sur l’oreiller.

Sa poitrine aussitôt se mit à haleter rapidement. La langue tout entière lui sortit hors de la bouche ; ses yeux, en roulant, pâlissaient comme deux globes de lampe qui s’éteignent, à la croire déjà morte, sans l’effrayante accélération de ses côtes, secouées par un souffle furieux, comme si l’âme eût fait des bonds pour se détacher. Félicité s’agenouilla devant le crucifix, et le pharmacien lui-même fléchit un peu les jarrets, tandis que M. Canivet regardait vaguement sur la place. Bournisien s’était remis en prière, la figure inclinée contre le bord de la couche, avec sa longue soutane noire qui traînait derrière lui dans l’appartement. Charles était de l’autre côté, à genoux, les bras étendus vers Emma. Il avait pris ses mains et il les serrait, tressaillant à chaque battement de son cœur, comme au contrecoup d’une ruine qui tombe. À mesure que le râle devenait plus fort, l’ecclésiastique précipitait ses oraisons ; elles se mêlaient aux sanglots étouffés de Bovary, et quelquefois tout semblait disparaître dans le sourd murmure des syllabes latines, qui tintaient comme un glas de cloche."

 Madame Bovary, Gustave Flaubert - Troisième partie, chapitre 8

Emma agonisant sur son lit © N.K.

Emma agonisant sur son lit © N.K.

Je suis aux portes de la mort, démunie de moyens. Il est là, assis à côté de moi, mais, comme d’habitude, il ne produit aucun miracle. Il est médecin pourtant mais il est tellement médiocre qu’il doit appeler de meilleurs médecins.

Je n’arrive plus à déglutir. On ne m’avait pas dit que ça serait aussi douloureux, insupportable de s’empoisonner. J’ai la gorge pleine de sable. Je pensais que ça allait être rapide et indolore, que je quitterais ce monde sans que Monsieur s’en rende compte directement. J’ai les intestins et l’estomac emmêlés.

Mais je ne regrette aucunement mes décisions. Je comptais sur Léon et Rodolphe pour me financer. J’ai mal aux côtes, je n’arrive plus à bouger et j’ai du mal à respirer. Je souffre ! J’espère qu’il lira la lettre après que je sois partie. J’ai le goût du sang dans la bouche, mes yeux me brûlent j’ai des crampes partout.

Je ne vois qu’une simple lueur au loin, on dirait des lumières célestes, est-ce le paradis ? Je ne tiens plus, je me sens partir. Je me rapproche de cette lumière, elle est plutôt chaude et agréable mais plus je me rapproche plus ça devient chaud, c’est comme du feu. Mon souffle s’accélère.

Oh comme je transpire.

Je me remémore mes souvenirs, Charles n’y est même pas présent, j’y vois seulement Rodolphe et Léon. J’ai eu une triste vie. Je prie une meilleure vie pour Berthe. Je me sens toute légère comme si je m’envolais pour aller au paradis …

Je suis près du palais de dieux mais je commence à m’éloigner, je retombe. Vais-je en enfer ? Je transpire de plus en plus et un léger bruit aigu qui me traverse les oreilles. Qu’ai-je fait pour aller en enfer ? Je ne le mérite pas ! Je me sens crispée. Je suis incapable de bouger, comme si j’étais paralysée, et de rouvrir les yeux.

Je suis littéralement en train de quitter ce cruel monde rempli de haine et de méchanceté.

 

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