Publié par Yuna et Alwena

« Si Charles l’avait voulu cependant, s’il s’en fût douté, si son regard, une seule fois, fût venu à la rencontre de sa pensée, il lui semblait qu’une abondance subite se serait détachée de son cœur, comme tombe la récolte d’un espalier quand on y porte la main. Mais, à mesure que se serait davantage l’intimité de leur vie, un détachement intérieur se faisait qui la déliait de lui.

La conversation de Charles était plate comme un trottoir de rue, et les idées de tout le monde y défilaient dans leur costume ordinaire, sans exciter d’émotion, de rire ou de rêverie. Il n’avait jamais été curieux, disait-il, pendant qu’il habitait Rouen, d’aller voir au théâtre les acteurs de Paris. Il ne savait ni nager, ni faire des armes, ni tirer le pistolet, et il ne put, un jour, lui expliquer un terme d’équitation qu’elle avait rencontré dans un roman.

Un homme, au contraire, ne devait-il pas tout connaître, exceller en des activités multiples, vous initier aux énergies de la passion, aux raffinements de la vie, à tous les mystères ? Mais il n’enseignait rien, celui-là, ne savait rien, ne souhaitait rien. Il la croyait heureuse ; et elle lui en voulait de ce calme si bien assis, de cette pesanteur sereine, du bonheur même qu’elle lui donnait. »

Madame Bovary, Flaubert - Première partie, chapitre 7

© Y.A.

© Y.A.

Je ne peux plus le supporter, mais il le faut, Emma, il le faut !

Cet homme est-il là pour ton bien ? T'aime-t-il ? C'est un piètre bonhomme qui ne sait comment se vêtir, regarde ses vestes, ses pantalons hideux, ses chemises froissées, même les plus blanches, et ses chaussures, ses horribles chaussures, je ne les supporte plus, maculées de boue et de choses que je ne saurais décrire !  

Que dire de son corps sans vie, sans forme, sans tête non plus : il ne peut même pas m'expliquer le moindre mot d'un livre, les termes de médecine sans importance sont les seules choses auxquelles il s’intéresse.

Pourquoi ? Pourquoi mes livres si romantiques ne dépeignent-ils pas la réalité si affreuse ? Ou alors ce n'est que ma propre réalité qui ne me convient pas ? et si j'étais avec un autre, tout ceci serait-il meilleur ?

Charles est si prévisible, si monotone, tout se répète trop, beaucoup trop ! Le matin, il se lève, lit son journal, une fois qu'il a fini il me fait toutes sortes de commentaires sur les nouvelles qu'il vient de lire, toutes aussi ennuyeuses les unes que les autres. A midi, tout dépend de ses rendez-vous, mais la plupart du temps il ne rentre pas. Le soir, il ne revient que quand je me suis déjà couchée. Pourquoi ne lui vient-il pas à l'idée du geste ou de l'action qui pourrait tout changer ? L'amour n'est plus ce que je pensais, enfin, si ce fameux amour existe vraiment.

Oui ! J'en suis persuadée !

Mais à Tostes ?

Suis-je vraiment destinée à rester avec cet homme toute ma vie ?

Et j’y pense, aurait-il encore de l'amour pour sa première femme, celle que j'ai remplacée, penserait-il encore à elle ?

 

Tag(s) : #madame bovary, #S1
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