Publié par Mina
Je voulais détourner son regard à jamais. je voulais être seul au monde à ne pas avoir vu du tout. cette main aurait pu ne pas être là, après tout : mais moi non plus, et avec moi disparaître le monde. ce cadeau. l'image de ta mort.
Elle avait aimé la vie passionnément de loin. sans l'impression d'y être ni d'en faire partie. malheureuse, elle photographiait des pelouses tranquilles et du bonheur familial. extase paradisiaque, elle photographiait la mort et sa nostalgie.
Pour une fois adéquation exacte de la mort même à la mort rêvée, la mort vécue, la mort même même. identique à elle même même.
Gouffre pur de l'amour.
S'endormir comme tout le monde. ce que je veux.
Je t'aime jusque là.
Evidemment ce n'était pas un cadeau ordinaire. celui de me livrer, à cinq heures du matin, un vendredi, l'image de ta mort.
Pas une photographie.
La mort même même. identique à elle même même.
Jacques Roubaud, Quelque chose noir (1986)
* L’absence de majuscule après un point est un choix typographique de Jacques Roubaud.
La nuit du deuil © Mina
Toi qui étais si souriante, tu me seras éternellement chère.
Que de bruits dans ma tête pour contrer le pesant silence que tu as laissé, que de gémissements j'ai poussés sur ton lit de mort.
Qui te remplacera auprès de moi ?
La vie parait si fragile une fois que tu n'es plus là.
Les pleurs cesseront de couler ; le temps apaisera la douleur d'une fille encore jeune.
« Il faut tourner la page. »
Le sentiment d'incompréhension et une grande solitude s'installent. Nostalgie. Tu n'es plus à mes côtés mais tu es partout où je suis, je t'ai vue me quitter sous ce soleil de juin. Tous les changements, même les plus souhaités, ont leur mélancolie, car ce que tu as laissé fait partie de moi. Je suis en deuil d’un passé qui n’existe plus. Tu as laissé ton dernier souffle là-bas. Je serai de nouveau incapable de m’arrêter et de me retenir, cette boule à la gorge, des douleurs insoutenables à la poitrine, la main devant la bouche et sur la poitrine.
Je dois maintenant guérir des choses qui n’étaient pas ma faute.
Un jour je te reverrai, je te dirai à quel point je suis fière de ton combat, tout ce que je n'ai jamais pu exprimer et à quel point faire ton thé le matin me manque. Je n'oublierai jamais le goût du bonheur que tu as laissé en quittant ce bas monde, cette odeur que tu laissais dans une pièce.
On m'a dit que tu ne reviendrais plus. Suis-je aussi naïve pour ne pas l'avoir compris ?