Publié par Thomas
Souvent, à la clarté rouge d’un réverbère
Dont le vent bat la flamme et tourmente le verre,
Au cœur d’un vieux faubourg, labyrinthe fangeux
Où l’humanité grouille en ferments orageux ;
On voit un chiffonnier qui vient, hochant la tête,
Buttant, et se cognant aux murs comme un poëte,
Et, sans prendre souci des mouchards, ses sujets,
Épanche tout son cœur en glorieux projets.
Il prête des serments, dicte des lois sublimes,
Terrasse les méchants, relève les victimes,
Et sous le firmament comme un dais suspendu
S’enivre des splendeurs de sa propre vertu. […]
C’est ainsi qu’à travers l’Humanité frivole
Le vin roule de l’or, éblouissant Pactole ;
Par le gosier de l’homme il chante ses exploits
Et règne par ses dons ainsi que les vrais rois.
Pour noyer la rancœur et bercer l’indolence
De tous ces vieux maudits qui meurent en silence,
Dieu, touché de remords, avait fait le sommeil ;
L’Homme ajouta le Vin, fils sacré du Soleil !
Charles Baudelaire, Le Vin des Chiffonniers, Les Fleurs du mal (1857)
Spleen, je t’adore © Thomas C.
Dépression, sublime cruauté
Tout me ramène à toi, Roi de la dépression
Mes lèvres te caressent, tu m'inspires la passion
Relique rouge grenat, magie noire tu m'envoûtes
Tu es si puissant, même Satan te redoute.
Souffrance diabolique, toi tu te bonifies
Arôme réconfortant, tu marches dans l'oubli
Tu empoisonnes mon temps de brèves doléances
Contemple mon âme : j'achète ma souffrance.
Au seuil de l’anéantissement, tu me berces
Mais le Deuil m'attend, tu m'en as fait promesse
Annexé par l'orgueil tu crois me satisfaire
Penses-tu embellir mon bonheur éphémère ?
Ô grand vin maniaque, tragique, démoniaque
Troublé de ma tristesse, ta douceur me hante
Ô grand vin surnaturel, divin, féérique
Je trébuche de Saintes Nausées exorbitantes.
La dépression tue © Thomas C.