Publié par Alexandre C.
Dans le brouillard qui entoure les arbres, les feuilles leur sont dérobées ; qui déjà, décontenancées par une lente oxydation, et mortifiées par le retrait de la sève au profit des fleurs et fruits, depuis les grosses chaleurs d'août tenaient moins à eux. Dans l'écorce des rigoles verticales se creusent par où l'humidité jusqu'au sol est conduite à se désintéresser des parties vives du tronc. Les fleurs sont dispersées, les fruits sont déposés. Depuis le plus jeune âge, la résignation de leurs qualités vives et de parties de leur corps est devenue pour les arbres un exercice familier.
Les arbres se défont à l'intérieur d'une sphère de brouillard.
Francis Ponge, Le Parti pris des choses (1942)
© Alexandre C.
L'arbre
L'arbre est stoïque, il ne bouge pas. Que fait l'arbre ?
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L'arbre parle, il communique avec ses congénères par un système sophistiqué appelé réseau racinaire. Ses racines savent y faire, grâce à elles l'arbre boit à sa soif et mange à en être repu.
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L'arbre est aimable, il donne à une multitude d'êtres vivants une hospitalité rarement vue. L'arbre est l'auberge de la nature.
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Dans son feuillage on trouve nid fait de bric et de broc, foyer d'oiseaux colorés aux chants mélodieux. Pas loin de là, suspendue à une branche, une ruche d'abeilles embaume la chevelure verdâtre d'une odeur enivrante. La nuit, ce domaine est surveillé par un hôte niché dans un creux, ses yeux percent l'obscurité. Gare aux proies qui passeront non loin de là ! L'hiver, la plupart des hôtes migre vers la chaleur paradisiaque, mais certains comme les écureuils ont minutieusement préparé cette saison. Ainsi, pendant l'année qui précède, ils ont récolté toutes les choses nécessaires. C'est alors que l'arbre qui était, durant les jours plus beaux, un hôtel, se transforme en garde-manger.
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Le matin, dans une frénésie quotidienne, le pic-vert martèle l'écorce abrupte de son bec aiguisé. Malgré cela, l'arbre ne bouge pas.
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Le vent se lève. De jour comme de nuit, qu'importe la saison, la forêt s'agite, se réveille, et dans un élan commun, comme pour accompagner les cris du vent, les arbres dansent.