Scène de famille

Publié par Auregann

          Déjeuner en famille. On mange dans les belles assiettes, on boit les vins avec des noms comme des souvenirs, on prend le temps pour le repas, les paroles viennent sans effort et les lumières roulent dans le ciel, derrière les vitres. Les enfants quittent la table avant le dessert, ils ne supportent pas ceux qui font leurs premiers pas et ceux qui regardent venir le crépuscule, et la fraîcheur sur les bras, qui fait bleuir les veines.

                        Christian Bobin, L’enchantement simple (1986), page 66

Déjeuner anglais en famille, à peu près mangeable  © Auregann

 Brest, 12h42, déjeuner en famille. On apprécie un repas anglais à peu près mangeable. Tout cela dans de la vaisselle plutôt chic, et sur une table bien mise. Les adultes ont le droit à de bonnes boissons, comme du vin, du champagne, et nous les plus jeunes… du jus de pomme. Injustice. Les débats arrivent et font fuir les enfants, qui ne tiennent pas en place. Il reste désormais seulement les personnes âgées de 17 à 86 ans. C’est un assemblage particulier car certains attendent la nuit éternelle et d’autres sont sur le point de passer le bac. Des sujets divers et variés font claquer les langues. On entend par exemple le débat entre Le Pen et Macron,  du foot, et j’en passe. 

          Ce repas de famille est étrange car personne ne sait quoi penser de cet oncle qui s’est pointé avec un fort taux d’alcool dans le sang et de la drogue. On peut observer plusieurs avis sur le sujet.

C’est un adulte, on n’y peut rien ;  

ou encore, il faudrait le mettre en centre de désintoxication.

Parce qu’il a pris drogue et alcool, mon oncle est extrêmement violent. Papi me dit toujours de ne jamais rester seule avec lui.

13h51, on entend frapper. La police surgit. Elle demande si mon oncle est présent. Gros blanc, personne n’ose parler, ne sait quoi répondre. On sait tous pourquoi ils sont là.

Je pense ne pas savoir quoi penser de ce repas.

Mamie pleure, papi s’énerve. Il est rempli de tristesse.

L’amour de la drogue est vicieuse et trompeuse.

L’amour de la famille est patience et blessures.