Publié par Lisa
J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans. [...]
— Je suis un cimetière abhorré de la lune,
Où, comme des remords, se traînent de longs vers
Qui s’acharnent toujours sur mes morts les plus chers.
Je suis un vieux boudoir plein de roses fanées,
Où gît tout un fouillis de modes surannées,
Où les pastels plaintifs et les pâles Boucher,
Seuls, respirent l’odeur d’un flacon débouché. [...]
— Désormais tu n’es plus, ô matière vivante !
Qu’un granit entouré d’une vague épouvante,
Assoupi dans le fond d’un Saharah brumeux !
Un vieux sphinx ignoré du monde insoucieux,
Oublié sur la carte, et dont l’humeur farouche
Ne chante qu’aux rayons du soleil qui se couche !
Charles Baudelaire, LXXVIII - Spleen, Les Fleurs du mal (1857)
Possédé © Lisa
Pensées lointaines
Je me vois encore là, vivant, telle
La neige qui vient le jour de Noël,
Heureux, avec des vies qui me sont chères,
Dont je voudrais revoir les vives chairs.
Mais suis-je alors de trop dans ce monde ?
Sur cette Terre tristement féconde.
La romance est maintenant morose,
Elle, pourtant, nourrissait mon cœur de roses.
L'Ennui, devenu pour moi si familier,
Fut longtemps la chose qui m'apeurait.
Ma hantise est dorénavant de rire,
Tout mon bonheur, je l'ai bien vu partir !
La lumière qui égaillait ma vie
S'éteindra comme ce feu de bougie.
Vos souvenirs ne seront que poussières,
À la fin du parcours de la rivière !